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Ces oubliés et ces méconnus de l’histoire congolaise : Et, Sékou Touré vint…

Jeudi 13 Juillet 2017 - 10:45

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Sékou Touré est l’homme du « Non » au général de Gaulle, lors du référendum de septembre 1958, ayant abouti à la mise en place de la Vème République française. La Guinée-Conakry, son pays, accède presqu’aussitôt à l’indépendance. Ce coup d’éclat et cet acte de courage valent au président guinéen un prestige extraordinaire dans l’opinion publique africaine. C’est, précédé de cette aura, que Sékou Touré séjourne au Congo, du 3 au 5 juin 1960. C’est un accueil délirant qui est lui est réservé. Le lendemain, à l’hôtel de ville de Brazzaville, à l’occasion d’une parade militaire en l’honneur de son homologue, le président Youlou, dans son allocution,  commence par rendre hommage au Pape Jean XXIII, décédé la veille, puis  enchaîne sur  la conférence d’Addis-Abeba, qui a abouti à la signature, le 25 mai 1960, de la Charte créant l’OUA (Organisation de l’unité africaine), avant de s’adresser au président guinéen en ces termes : le peuple congolais peut […] marcher du même pas que le peuple guinéen pour construire la nation et asseoir l’Etat, dans une Afrique unie et rénovée. Prenant la parole à son tour, sans papier, le président Sékou Touré, véritable tribun, auréolé de son statut de révolutionnaire, déclare : « Au Congo, je suis Congolais ».  Après une longue digression sur le thème de la vie, il déclare : « le problème qui est au centre de nos préoccupations est le fait  que l’Afrique est exploitée, opprimée, dans sa civilisation, dans sa culture négligée, dans sa pensée politique non reconnue,  dans sa pensée morale puisse aussi démontrer qu’elle n’a jamais été absente du monde, qu’elle est toujours présente […] La première victoire de la lutte pour l’égalité humaine c’est la victoire de la lutte pour l’indépendance de chaque peuple. Car, seule l’indépendance consacre les rapports d’égalité. Aujourd’hui, dans l’égalité des rapports, dans la liberté reconnue à cette nation, vous pouvez exprimez vos sentiments sans qu’il y’ait des considérations subjectives pour leur accorder d’autre valeur que celle que vous leur accordez vous-mêmes. C’est pourquoi la dignité de l’homme, l’égalité entre les hommes exigent l’indépendance totale de toutes les nations. […] Il faut, poursuit-il, ensevelir le colonialisme et son fils le néo-colonialisme, ensevelir en nous-mêmes le sens d’irresponsabilité, l’esprit de facilité, de médisance et créer en chaque individu, en plus de la confiance en soi, le courage civique et moral dans la construction de son bonheur et du bien-être de son peuple. L’indépendance, ainsi, se crée tous les jours ». À Pointe-Noire, où il se rend après, l’accueil est tout aussi enthousiaste que celui de Brazzaville.

 Il convient, tout de même, de signaler, qu’au-delà des  généralités  « révolutionnaires », le président guinéen  condamne le régime du président Youlou, en le présentant sous son aspect le plus impopulaire, dans le but évident de louer, a contrario, l’honnêteté, l’intégrité et l’efficacité de son propre régime. Par ses interventions, peu diplomatiques, Sékou Touré, en surfant sur le mécontentement ambiant, a mis  son grain de sel  sur l’impopularité du président congolais, donnant ainsi son terreau à la révolution qui allait l’emporter. Sékou Touré s’est comporté, à l’étonnement des observateurs, en véritable donneur de leçons. Mais la sagesse populaire dit, avec pertinence: « bons diseurs, mauvais faiseurs ». Le président guinéen  quitte le Congo, le 5 juin 1960, après un séjour tonitruant. Quelques jours après son voyage au Congo, dans un article de l’Afp (Agence France presse) sur la Guinée, le journaliste André Givisiez épingle la mauvaise tenue du franc guinéen, créé en 1960, la gestion calamiteuse des organismes d’Etat, et le commerce paralysé par l’insécurité monétaire. A beau mentir qui vient de loin. Ce qui est sûr, c’est que le voyage de Sékou Touré  laisse des traces indélébiles dans l’opinion publique congolaise, à l époque. Les hommes passent, les gouvernements passent, les peuples demeurent », avait-il déclaré lors son passage à Brazzaville. Une forme d’incitation au changement, après avoir stigmatisé les dérives du gouvernement de Fulbert Youlou. Les premiers événements annonciateurs de la chute de ce dernier  apparaissent presqu’aussitôt après le départ du président guinéen.  Un peu plus de deux mois, après le retentissant  passage de celui-ci, le régime du président Fulbert Youlou est balayé par la bourrasque du mouvement insurrectionnel des 13, 14 et 15 août 1963, appelée révolution. À l’évidence, c’est un abus de langage. Ici, le terme bourrasque est pris dans le sens de : perturbation importante et soudaine dans le fonctionnement d’une institution, la présidence, en l’occurrence.  Faut-il le rappeler,  Lénine définissait la révolution comme le renversement violent d’une classe par une autre. On n’en était loin en 1963.  Avec ce détournement de sens, s’ouvrait au Congo, l’ère des impostures.

 

 

 

 

 

 

 

 

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