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Comment prévenir et gérer les crises en Afrique

Dimanche 10 Septembre 2017 - 13:23

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Rien n'illustre mieux le rôle que joue aujourd'hui le Congo dans la gestion et la prévention des crises en Afrique que la nouvelle réunion du Comité de haut niveau de l'Union Africaine qui s'est tenue à Brazzaville samedi, à l'initiative et sous la présidence de Denis Sassou N'Guesso. Même si elle n'a pas débouché sur un accord en bonne et due forme entre les deux principaux protagonistes du drame qui dévaste ce pays depuis l'assassinat de Mouammar Kadhafi elle a permis, en effet, de mettre à nouveau sur la table les sujets qui fâchent et donc d'avancer sur la voie d'un compromis durable. 

Elle a également démontré - et ce n'est pas rien - que la solution de la crise qui a embrasé la région du Sahel et qui menace maintenant directement le sud de l'Europe en raison de l'afflux incontrôlable des migrants à travers la Méditerranée ne peut être et ne sera trouvée que dans le cadre de l'institution qui rassemble tous les peuples du continent, à savoir l'Union Africaine. Croire que l'intervention de l'une ou de l'autre des grandes puissances de l'hémisphère nord y parviendra est une illusion d'autant plus dangereuse que c'est précisément l'intervention anarchique de ces mêmes puissances qui a provoqué le drame que vivent les Libyens depuis cinq ans.

Dans ce domaine comme dans bien d'autres la communauté internationale ferait bien de comprendre que l'époque est révolue où elle pouvait ignorer les Africains - mais cette remarque vaut également pour les Latino-Américains et pour les Asiatiques - et se substituer à eux dans le but de prévenir ou de gérer les conflits locaux. Incapables hier de prévenir le génocide qui dévasta le Rwanda et de gérer la crise qui généra des tueries en série au Biafra, incapables aujourd'hui de mettre fin aux violences ethniques qui dévastent la République démocratique du Congo et d'apaiser les tensions religieuses qui déstabilisent la Centrafrique, les Nations unies se sont toujours avérées impuissantes face aux désordres qu'engendrent la bêtise, l'inconscience, la bestialité naturelle de l'homme.

Outre le fait que ces interventions, basées sur des forces hétéroclites et donc impuissantes pour ramener l'ordre là où il est menacé, aggravent les conflits au lieu de les résoudre, elles sont perçues par les Africains, même s'ils ne le disent pas officiellement, comme des ingérences qui rappellent fâcheusement l'époque coloniale.  Non seulement elles coûtent cher, très cher en vies humaines et en dépenses de toute nature, mais encore elles s'avèrent dangereusement inutiles.

Si la France et ses partenaires occidentaux avaient écouté, il y a cinq ans, ce que leur disaient les dirigeants du continent, Denis Sassou N'Guesso en tête, une solution pacifique aurait peut-être, aurait sans doute été trouvée en Libye avec la mise en place d'un régime de transition qui aurait préservé l'unité menacée du pays. Mais, hélas, les mises en garde qui leur étaient adressées n'ont pas été écoutées avec les conséquences désastreuses que l'on sait.

Qu'il nous soit donc permis d'ajouter, en conclusion de ce qui précède, que si Emmanuel Macron, Angela Merkel, Theresa May, Donald Trump et autres dirigeants de grandes puissances veulent réellement aider les Libyens à trouver une solution durable pour leurs différends internes, ils doivent cesser d'agir isolément et appuyer enfin résolument les initiatives que prend l'Union Africaine. Alors, en effet, ils démontreront qu'ils ne sont pas mus par des intérêts nationaux plus ou moins avoués, mais qu'ils œuvrent effectivement en faveur de la paix. Alors aussi l'Union Africaine pourra se doter des moyens nécessaires pour agir efficacement sur le terrain.

Et bien sûr l'Afrique, toute l'Afrique applaudira à tout rompre !

Jean-Paul Pigasse

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