Parole de Mwènè : « Ce qui demeure, les poètes seuls le fondent. » (Hölderlin)

Mardi 15 Janvier 2013 - 10:45

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Le Congo, nom que portent deux pays frères issus du royaume fondé en 1275 par Mwènè Ntinu ou Nimi-Lukéni, est l’œuvre d’un puissant symbole dont les Congolais eux-mêmes n’ont pas à ce jour saisi toute la portée

Gabriel Okoundji.Rappelons qu’en langues téké et tégué, Ko ou Kwa signifie lieu, et Ngo la panthère. En langue kongo, Kwa ngo signifie le pays de la panthère. Nos ancêtres Vili ont fondé au xiiie siècle le royaume de Loango (Loa : commandement, règne et Ngo : panthère). Le nom Congo a donc pour acception le pays, ou l’allié de la panthère. Voilà pourquoi la panthère reste l’animal de la seigneurie, l’animal totémique des Bantous.

Le Congo est aussi, comme dirait mon oncle, « ce grand fleuve qui avale tous les fleuves », entouré d’une végétation, l’une des plus luxuriantes qui soient au monde, riche, dense et variée, inondée d’une subtile lumière. Une lumière qui élève l’âme vers la majesté créatrice et donne à l’esprit sa vivacité, sa finesse, son ingéniosité. Cette nature est en conjonction avec l’alliance que forment les traditions, les mythologies, les légendes, etc., répandues le long des deux rives, lesquelles se révèlent source d’inspiration de poètes, d’écrivains et d’artistes dont nous sommes fiers.

Ayons cependant l’humilité d’avouer que nous sommes encore en périphérie dans l’interprétation et l’adaptation artistiques des symboles qui fondent la riche identité de la cosmogonie congolaise. Plus que jamais il incombe aux poètes le labeur des « travaux et des jours » à la manière du grec Hésiode, ou du « Kalevala » d’un Elias Lönnrot qui a forgé le socle culturel du peuple finlandais.

Pourquoi les poètes ? Parce que la poésie est le ferment et le ferrement de toute civilisation. Elle est le premier sentiment littéraire chez tous les peuples. Parce que la prose est un enfant qui apprend à lire, tandis que la poésie est un enfant qui sait lire sans avoir appris. Tout poète, à condition qu’il demeure sincère dans sa quête, est un initié. Initier, c’est apprendre à transmettre la parole reçue ; être initié, c’est apprendre à recevoir la parole entendue. L’initiation étant la voie qui révèle la parole qui manque à la parole afin que l’homme puisse par lui-même apprendre à faire confiance à sa fragilité. Une parole sans détour ne se détourne pas ; la parole du poète est le chant de ressourcement qui aide à marcher lorsqu’il faut marcher, à s’asseoir lorsqu’il faut demeurer assis. Le poète, homme universel par excellence, se situe toujours au voisinage du silence de la vie et du vacarme du monde, condition nécessaire pour apprendre, au jour le jour, à la nuit la nuit, à être homme encore.

L’homme né sur la terre des panthères est une panthère. J’invite les poètes des deux rives à puiser aux sources de notre patrimoine pour nous donner à voir avec éclat que le fils de la panthère, c’est la panthère, et que la panthère ne renie pas les taches d’ombre de sa peau.

Auteur de plus d’une douzaine de livres, dont certains traduits en plusieurs langues, sa poésie fait l’objet d’adaptations théâtrales et a été plusieurs fois couronnée par des prix littéraires parmi lesquels, le Prix Léopold Sédar Senghor de poésie 2014, le Prix Mokanda 2014, le Prix Spécial de l’Académie Nationale des Sciences, Belles lettres et Arts de Bordeaux (2011), le Grand Prix littéraire d’Afrique noire (2010). Parmi ses ouvrages :

- Apprendre à donner, apprendre à recevoir ; Lettre à Jacques Chevrier, éd. William Blake & C0, 2013.

- Terres d’Afrique, anthologie de poésie contemporaine, éd. Ndzé, 2011

- Stèles du point du jour, Dialogues d’Ampili et Pampou, éd. William Blake & Co édit., 2011

- La mort ne prendra pas le nom d’Haïti, éd. Ndzé, 2010

- Au matin de la parole, éd. Fédérop, 2009, réédition 2011

- Prière aux Ancêtres, éditions bilingue français/occitan, éd. Fédérop, 2008 (Prix Poésyvelines 2008)

- Souffle de l’horizon Tégué, destinée d’une parole humaine, poèmes audio sur CD, AFAC, 2008 (Prix « Coup de Cœur 2008 », de  l’Académie Charles Cros.)

- Bono, le guetteur de signes, éd. Elytis, 2005

- Vent fou me frappe, éd. Fédérop, 2003, réédition 2010

- L’Âme blessée d’un éléphant noir, William Blake & Co édit., 2002,  réédition 2010

- Gnia, (ma moni mè), édition bilingue français/occitan, Cahiers de  Poésie verte, 2001...

 

Gabriel Mwènè Okoundji

Légendes et crédits photo : 

Gabriel Okoundji.