Comores : la tension persiste à Anjouan

Vendredi 19 Octobre 2018 - 13:47

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La situation qui prévaut dans le pays a conduit les Forces de sécurité comoriennes à intensifier leurs opérations pour venir à bout des adversaires au régime du président Azali Assoumani retranché dans le centre de la capitale, théâtre d’explosions et de tirs, a-t-on appris de sources concordantes.

D’importants renforts ont été envoyés à Mutsamudu, où des éléments rebelles affrontent depuis le 15 octobre les forces régulières comoriennes. « Le calme semble revenir mais c’est une fausse accalmie, il faut attendre le soir », confiait à la presse un agent de l’aéroport de Ouani, confirmant l’arrivée des renforts militaires « en deux rotations ».

Selon une information émanant de proches et du pouvoir, une délégation de l’exécutif de l’île a été reçue par des représentants du gouvernement dans un endroit tenu secret. Rien d’autre n’a filtré sur ce premier contact.

Depuis le début de la semaine dernière, des combats opposent des éléments rebelles aux forces régulières comoriennes. La médina est quasiment asphyxiée par l’armée qui en contrôle les principaux accès. Le marché et les commerces sont fermés, l’eau et l’électricité coupées. Ceux qui le peuvent fuient la vieille ville pour se réfugier dans les quartiers périphériques, comme Chitsangani, à l’entrée sud de la ville, qui fait figure de havre de paix.

Après des jours d’affrontements meurtriers survenus en raison de vives tensions provoquées par la volonté du chef de l’Etat de prolonger son mandat de onze ans, la crise se concentrait jusqu’ici dans la médina. Ce fief des opposants, fait de ruelles entrelacées, était encerclé par les forces de sécurité, selon des habitants.

« Nous avons entendu de grosses explosions (…). J’ai recueilli plusieurs témoignages de personnes qui ont préféré fuir leurs logements proches du centre-ville pour se réfugier dans les quartiers ou villages plus calmes - Bandrani, Mirontsi, Hombo », a déclaré Anaïs Greusard, expatriée française. « On manque de tout mais c’est surtout l’eau. Le manque d’eau est intenable. Cela fait quatre jours qu’on n’a pas d’eau », a dit une habitante de Mutsamudu sous couvert de l’anonymat.

En dépit de l’ampleur des violences, les forces de l’ordre ont dit leur détermination à « mettre fin à cette situation le plus vite possible », selon le ministre de l’Intérieur, Mohamed Daoudou. Quant aux opposants, ils semblaient décidés à tenir leurs positions, à en croire un responsable politique comorien à Mayotte (France) où il a demandé l’asile politique. « Les citoyens révoltés (…) n’ont pas pour but de cesser le feu » et comptent renverser le colonel Azali Assoumani, a affirmé Ahmed Samir, secrétaire régional de l’Union pour le développement des Comores.

Paris appelle ses ressortissants à la prudence

Les autorités comoriennes accusent le parti Juwa, de l’opposant et ancien président de l’archipel Abdallah Sambi, originaire d’Anjouan, d’être à l’origine des violences qui ont éclaté quand les manifestants ont érigé des barricades et que les forces de l’ordre les ont démantelées.

Les partis d’opposition, qui accusent le président de se comporter en dictateur « de république bananière », renvoient la responsabilité de la situation au gouvernement.

Si l’Union africaine et les Nations unies ont déjà appelé en vain les protagonistes comoriens à la reprise du dialogue, du côté de la France, l’on a demandé la prudence des ressortissants du pays vivant aux Comores, en proie à des troubles, mais n’envisage aucune évacuation à ce stade, a indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.

Le climat politique s’est dégradé aux Comores depuis le référendum constitutionnel du 30 juillet dernier. Ce scrutin aux allures de plébiscite (92,74% de oui) a renforcé les pouvoirs du président Assoumani, notamment en l’autorisant à accomplir deux mandats successifs au lieu d’un seul.

Depuis 2001, la présidence était attribuée tous les cinq ans à un représentant de l’une des trois îles du pays (Grande-Comore, Anjouan et Mohéli). Il était ainsi prévu qu’Anjouan prenne la prochaine présidence.

Mais Azali Assoumani, ex-putschiste élu en 2016, a annoncé son intention d’organiser un scrutin présidentiel anticipé l’an prochain, ce qui lui permettrait de remettre les compteurs électoraux à zéro et de régner sur l’archipel, en cas de victoire, jusqu’en 2029.

« Si Assoumani se présente aux élections en 2019 comme cela en prend le chemin, il y a peu de chances que le pouvoir passe à Anjouan comme cela aurait été le cas selon le système de rotation » de la présidence, estime Jane Morley, analyste à la Fitch solutions risk consultancy.

Depuis le référendum, des dizaines d’adversaires du chef de l’Etat, qui ont boycotté le scrutin de juillet, ont été arrêtés, dont Abdallah Sambi, inculpé dans une affaire de corruption et assigné depuis cinq mois à résidence à Moroni.

Nestor N'Gampoula et l'AFP

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