Couleurs de chez nous: « Coller la petite »

Jeudi 17 Janvier 2019 - 20:19

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On a dit du roman qu’il est le miroir de la société. La presse l’est bien plus en jetant la lumière sur les différents faits de la société. Telle est la vocation de ces chroniques, « Couleurs de chez nous », qui permettent aux Congolais et aux étrangers, lecteurs de Les Dépêches de Brazzaville, de découvrir la vie congolaise dans sa diversité et sa plénitude.

« Coller la petite » est un refrain d’une chanson qui fait rage en milieu jeune. Littéralement et faute d’en être une dénonciation, ce refrain est une incitation au harcèlement ou aux attouchements de la femme par l’homme. Le phénomène est plus observé chez les jeunes en mal d’amour et obligés de recourir à tous les stratagèmes pour satisfaire le besoin sexuel. Quand le discours ne permet pas le succès, on profite de la promiscuité des autobus pour se coller à une femme.

A Jacques-Opangault et au Domaine, deux quartiers à cheval entre les arrondissements 6 Talangaï et 9 Djiri de Brazzaville,  le transport est un casse-tête faute de routes et, surtout, à cause de l’état du terrain fait de vallons, monts, érosions et autres dégradations. Ici, seuls les véhicules tout-terrain (4 x 4) peuvent s’aventurer ou les motos. Mais l’offre étant supérieure à la demande, les usagers sont contraints de monter en surnombre.     

Résultat : des hommes coincés contre les femmes ou des femmes obligées d’être portées par des hommes car le contraire fausserait la galanterie. Peu importe que la femme soit vôtre ou pas, mariée ou libre, la règle ici est claire et acceptée : il faut se serrer pour faire de la place aux autres. Il faut se coller comme des sardines. Donc, les hommes laissant les femmes monter en premier se mettent derrière et les coincent.

C’est dans cette posture indécente que le véhicule roule sur quelques kilomètres suivant un itinéraire digne d’une course de ski. Les mouvements provoqués par les secousses et les virages à quinze et trente degrés font danser les passagers à bord  avec, pour les hommes, ce plaisir du contact physique avec les femmes. Ces dernières, colère et honte contenues, restent impuissantes.

Un spectacle qui réjouit les badauds et autres impudiques qui peuplent ces quartiers. « Coller, coller, coller la petite ! », chantent-ils avec allégresse et moquerie. Principales victimes : les jeunes filles, souvent obligées de rester debout comme les hommes. Les femmes adultes bénéficiant des reliefs de respect qu’ont les Congolais pour leurs mamans.

A propos de la jeune fille, il faut noter le plaisir qu’elle tire de ce jeu. Sur les motos, par exemple, c’est avec joie qu’elle se laisse transporter, coincée et serrée au milieu de deux hommes. Le sourire qu’elle exprime dit tout sur sa contribution à l’essor du phénomène. Le côté suggestif des tenues portées par des garçons et des filles, usagers de ces routes escarpées, ajoute au phénomène. On reconnaîtra une fille de bonne moralité au port du pantalon Jean qui la protège du corps à corps qui n’est pas sans réveiller certains sens. Avec une dose d’alcool dans l’esprit, ces frottements poussent certains garçons au viol des filles, une fois descendus de ces bus de fortune. Notamment le soir. Insécurité donc !

Van Francis Ntaloubi

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