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Le mythe de l'arme nucléaire

Samedi 2 Mars 2019 - 17:38

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Le nouvel acte de la mauvaise pièce de théâtre que Donald Trump et Kim Jong-un ont joué sur la scène mondiale, la semaine dernière, à Hanoï, illustre parfaitement le risque extrême que la détention de l'arme nucléaire fait courir à l'humanité tout entière. Si elle n'a pas débouché sur la rupture des discussions entre les Etats-Unis et la Corée du nord, elle a démontré, une fois de plus, combien sont grandes et dangereuses les illusions que la possession de cette arme nourrit dans l'esprit des dirigeants des quelques pays qui la détiennent.

Imaginée dans les années trente du siècle précédent et mise au point par les Etats-Unis durant la Seconde Guerre mondiale, son utilisation par deux fois, à Hiroshima et à Nagasaki, au Japon, a provoqué l'une des pires tragédies de l'histoire moderne. Mais elle a aussi ancré dans la tête des dirigeants des grandes puissances l'idée, assurément fausse, que la meilleure manière de se protéger contre les agressions extérieures est de la détenir. D'où la naissance de la théorie de la "dissuasion" selon laquelle l'Etat qui se dote de ce type d'armes ne saurait être attaqué par un autre Etat sans que celui-ci coure le risque d'être rayé de la carte du monde.

Pour trois raisons au moins, l’arme nucléaire est non seulement dépassée comme arme de défense, mais aussi de plus en plus dangereuse pour l’humanité tout entière.

1. Elle est évidemment incapable de protéger les Etats contre les dangers qui menacent les peuples dans le temps que nous vivons. Face aux vrais défis de ce siècle qui sont ceux des guerres de basse intensité, du terrorisme, de l’extrémisme idéologique et religieux, l’usage de l’atome est inenvisageable. Tout au plus peut-il être brandi par les grandes puissances pour affirmer leur suprématie dans les zones géographiques qu’elles contrôlent, mais en aucun cas il ne peut être utilisé car son emploi provoquerait un désastre humain et écologique dont les explosions successives d’Hiroshima et de Nagasaki ne donnent qu’une petite idée étant donné la puissance de destruction des armes actuelles.

2. Le coût de ce type d’armes est exponentiel en raison, d’une part, de la vétusté des engins porteurs existants, d’autre part, de l’évolution rapide des technologies qui permettent de les produire. Pour prendre la mesure de ce coût, il suffit de considérer la part qu’elles occupent dans le budget militaire des grandes puissances comme les Etats-Unis, la Chine, la Russie, la France ou la Grande-Bretagne. Si l’on additionne le prix de l’engin explosif, du vecteur qui le véhicule et le dirige vers ses cibles, des moyens nécessaires pour le guider et le contrôler, de l’entretien des fusées, avions et sous-marins qui le portent, l’on atteint des sommes pharamineuses qui sont dépourvues de sens puisque l’arme nucléaire ne pourra jamais être utilisée.

3. Plus grave encore est l’atteinte que porte à l’environnement humain la fabrication des armes nucléaires. Car la décomposition des déchets atomiques qui résulte inévitablement de ce type de bombes prendra des siècles sinon même des millénaires et le problème de leur enfouissement n’est en rien résolu quoi que prétendent les experts. Résultat des courses, comme on dit, le danger que font courir les armes nucléaires à la communauté humaine dépasse de très loin l’envoi d’une bombe sur un pays jugé dangereux par l’un des Etats détenteurs de ce type d’engin. Il deviendra rapidement l’un des problèmes majeurs que la communauté humaine devra résoudre à bref délai si du moins elle veut que les générations à venir puissent tout simplement vivre sur cette Terre.

Il est clair, pour nous en tout cas, qu’au-delà des conflits latents qui opposent l’Iran et Israël, la Russie et les Etats-Unis, l’Inde et le Pakistan, le mythe de la sécurité entretenu par l’arme nucléaire pour les nations qui la détiennent ou qui veulent la détenir génère un problème vital pour l’humanité tout entière. Que les Etats qui s’en sont dotés refusent de regarder cette vérité en face n’a rien d’étonnant ni de surprenant, mais l’on peut tenir pour certain que, dans les années à venir, les Etats qui ne la possèdent pas feront bloc pour en obtenir l’éradication pure et simple.

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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