Interview. Nicole Ntumba Bwatshia : « Je suis dans la recherche permanente du travail bien fait »

Mercredi 24 Avril 2019 - 15:15

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Conseillère principale du président de la République démocratique du Congo (RDC) en matière juridique et administrative, Nicole Ntumba Bwatshia est également professeur de droit international public et des relations internationales. Dans cette interview accordée au Courrier de Kinshasa, elle nous parle de son parcours académique, de son travail auprès du chef de l'Etat qu'elle allie à ses enseignements dans diverses universités de la place aussi bien que de son engagement dans la politique.

Le Courrier de Kinshasa (L.C.K.) : Quel est votre parcours académique et professionnel  ?

Nicole Ntumba Bwatshia (N.N.B.) : Je suis conseillère principale du président de la RDC, en matière juridique et administrative. J'ai effectué ma thèse de doctorat à l'université de Gand, en Belgique. Je suis donc docteur en droit, spécialement en droit international public et relations internationales, et j'enseigne à la Faculté de droit de l'université de Kinshasa et dans d'autres universités de la place. Je suis aussi doyenne de la Faculté de droit à l'université privée William Booth, à Kinshasa. J'ai été, pendant près de dix ans, substitut du procureur de la République près le parquet de grande instance de la Gombe. En tant que substitut du procureur de la République, ma tâche était de poursuivre les délinquants auteurs d'infractions prévues par le code pénal, d'instruire, c-est-à-dire de qualifier les faits infractionnels, puis de proposer au juge la peine adéquate. En matière civile, je m'assurais qu il n y ait pas de troubles sociaux liés à des différends entre individus. Mariée, je suis mère de trois enfants.

L.C.K. : Qu'est ce qui vous a orientée vers des études de droit ?

N.N.B. : La prise de conscience par rapport à un certain déséquilibre et traitement dans les affaires sociales. Je trouvais qu'il existait un grand déséquilibre entre ce qui est dit dans la loi et ce qui est fait réellement. En tant que professeur en droit international, la dichotomie entre les prescrits des conventions internationales et les réalités sur le terrain était encore plus grave. Je voulais ainsi participer à une espèce de réajustement dans l'application de la loi. Depuis toujours, j'ai été animée par le désir d'aider les autres. J'ai donc effectué des études de droit à l'université de Kinshasa et obtenu mon diplôme avec distinction, ce qui m'a permis d'être retenue comme assistante à la Faculté de droit et d'être nommée ensuite magistrate au parquet de grande instance de la Gombe. J'avais également ce besoin de transmission que j'avais envie d'exprimer et l'assistanat m'a permis de le faire. J'ai été assistante de grands professeurs. C'est dans la logique des choses que j'ai poursuivi des études en troisième cycle et que j'ai soutenu ma thèse de doctorat en 2014, à l'université de Gand, en Belgique. C'est ainsi que j'ai été retenue comme professeur à la faculté de droit de l'université de Kinshasa, où je suis également chef de département adjoint de droit international public et relations internationales en charge de l'enseignement.

L.C.K. : Vous voici en poltique, comment s'est fait cet engagement ?

N.N.B. : Cela allait de soi. Le droit international public flirte beaucoup avec la politique. J'ai toujours pensé que je devais mieux comprendre ce droit que j'enseigne et qui comporte des aspects politiques. Je souhaitais également apporter ma pierre à la construction de l'édifice congolaise sur le plan politique et au point de vue gestion de la cité afin de démontrer qu'il y a moyen d'améliorer les choses. Quand on est confronté à la misère ou à des évidences qui ne devraient pas l'être, on est interpellé comme je l'ai été. En outre, quand on est magistrat, comme je l'ai été, et même si le magistrat est apolitique, les contradictions qui existent dans la société font que vous vous sentez obligé de vous impliquer pour améliorer les choses. C'est pour cela que je me suis engagée en politique.

L.C.K.: Vous êtes la conseillère principale du président de la République en matière juridique et administrative. En quoi consiste votre travail?

N.N.B. : Mon rôle consiste principalement à veiller à ce que le président de la République puisse respecter la Constitution sur laquelle il a prêté serment et aussi respecter les lois du pays. Il s'agit également de veiller à la paix sociale dans la gestion des conflits juridiques quand les justiciables ne sont plus satisfaits par les cours et tribunaux. Le président de la République est le garant de la nation et je suis sa sentinelle juridique, la gardienne du temple en la matière.

L.C.K.: Vos motivations quotidiennes dans la réalisation de vos objectifs  ?

N.N.B. : Chaque jour est un nouveau challenge. Je cherche à savoir ce qu'il y a à améliorer ou à changer. Malgré les obstacles et les difficultés, mon objectif est de trouver une satisfaction ou un début de satisfaction grâce à ma méthode de travail. Je suis dans la recherche permanente du travail bien fait, en tant que conseillère du président de la République, et aussi comme professeur d'université. Je veille à ce que mes choix correspondent à tout ce que j'ai toujours voulu pour mon pays.

L.C.K. : Quel est le plus grand défi auquel vous avez eu à faire face durant votre carrière et comment l'avez-vous surmonté ?

N.N.B.: Etre capable de ne pas défaillir dans mes choix. En tant que professeur, mon plus grand défi est de toujours veiller à ce que la transmission de la matière soit compréhensible et attrayante pour les étudiants. On peut être professeur mais ne pas savoir transmettre la matière. C'est mon défi quotidien. Je ne souhaite pas recevoir des fleurs après avoir enseigné ou émis un avis juridique, car ma plus grande satisfaction est d'avoir bien fait mon travail.

L.C.K. : La plus grande réalisation de votre carrière ?

N.N.B. : Comme professeur, c'est la satisfaction d'avoir formé et de former des étudiants valables qui soient également fiers d'avoir été formés par le Pr Nicole Ntumba Bwatshia et qui me citent en exemple.

L.C.K. : Le meilleur conseil que vous avez eu durant votre parcours  ?

N.N.B. : En lingala on dit "Eko bonga kaka" (ça va s'arranger ). Cela veut dire que rien ne peut vous ébranler. Même si un obstacle semble insurmontable, il faut tout faire pour le surmonter. Il faut toujours tirer du positif dans ce qui paraît être négatif. S'interdire de broyer du noir même quand ça a l'air difficile. Même si un objectif semble impossible, avoir l'esprit positif pour le rendre possible. Je l'ai toujours fait. Je suis d'un naturel ouvert, gai et positif, même si j'ai des moments où je déprime comme tout le monde. Mais cette dépression est passagère car je me dis, peut-être que mon voisin a de plus grands soucis que moi. Alors ce n'est pas la fin du monde, car tout peut s'arranger. Donc «  Eko bonga kaka  ».

L.C.K. : Quelle est la journée professionnelle type de Nicole Ntumba Bwatshia ?

N.N.B. : Je me réveille chaque matin en remerciant Dieu d'être encore en vie, alors que beaucoup ne le sont plus. Je n'ai pas toujours le temps de prendre ou de préparer mon petit déjeuner et c'est quelque chose que je dois corriger. Je me rends au bureau de bonne humeur et j'espère toujours transmettre cette bonne humeur à mes collaborateurs. Je sais quand je commence à travailler mais je ne sais pas toujours quand est-ce que je termine. De par ma fonction actuelle, le flot de travail ne me permet pas toujours de savoir quand-est-ce que je vais terminer ma journée. En tant que professeur, c'est relativement plus simple. La veille je revois mes notes et prépare mon concours et le lendemain je vais enseigner. Je me réveille tous les matins en me posant la question de savoir ce que je peux apporter à mon pays en matière juridique grâce à mon travail.

L.C.K. : Vous avez également créé une fondation. En quoi consistent ses activités et qu'est-ce qui a motivé cette initiative  ?

N.N.B. : La Fondation Nicole-Ntumba-Bwatshia a pour objectif de s'occuper de tout ce qui a trait au social et au culturel en faveur des démunis afin qu'ils se sentent utiles à la société. C'est une fondation apolitique est sans but lucratif.

L.C.K. : Qu'est-ce qui, selon vous, fait la particularité de la femme congolaise et africaine comme actrice de développement ? 

N.N.B. : Les femmes congolaises et africaines peuvent participer au développement de la société tout en respectant nos cultures. Elles doivent être conscientes que la catégorie A «  Femmes  » existe simultanément avec une catégorie B «  Hommes  ». Une complémentarité doit donc être respectée. Il appartient aux femmes d'exploiter leurs potentialités et de les mettre en valeur. Et aux hommes de considérer les femmes comme des êtres humains à part entière afin de faire route ensemble sans se quereller. Il ne s'agit pas d'une bataille mais plutôt d'être complémentaires. Il n'y a pas de complexe de supériorité ni d'infériorité mais juste un complexe de complémentarité.

L.C.K : Vos hobbies  ?

N.N.B. : La lecture, la musique, discuter avec des personnes intelligentes, etc.

L.C.K. : Quels sont vos projets professionnels ?

N.N.B. : Continuer à exercer mes activités de manière professionnelle pour le bien de mon pays. Ce qui compte, c'est de laisser une trace dans l'histoire même à un niveau restreint. Savoir qu'il a existé une dame au nom de Nicole Ntumba Bwatshia qui a fait de son mieux pour participer à la vie publique de son pays afin que ce dernier retrouve sa place dans le concert des nations.

 

 

 

 

 

Propos recueillis par Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Photos Nicole Ntumba Bwatshia

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