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Alain Douathe-Koyangozo : défis et opportunités des accords de partenariat économique au Congo

Dimanche 30 Mars 2014 - 3:15

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L’impact de la mise en œuvre d’un APE au Congo pourrait être majeur du fait de la suppression substantielle des droits de douane sur les importations en provenance de l’UE, qui représentent plus de 50% de ses importations globales. En revanche, certaines entreprises exerçant sur le sol congolais et les consommateurs pourraient en tirer des bénéfices

Alain Douathe-Koyangozo est chercheur associé au Centre d’études et de recherche sur les analyses et politiques économiques, dont le siège est à Brazzaville, il est auteur de plusieurs publications, notamment sur les accords de partenariat économique (APE), sur les politiques fiscales et douanières envers les PME dans la Cémac.

Les recettes fiscalo-douanières du Congo, pays à économie diversifiée, représentent un peu plus de 25% du budget national (statistique 2010), suivies des recettes d’exportation des produits bruts, notamment le pétrole et le bois. Ce qui expliquerait le caractère vulnérable de son économie. Les APE pourraient avoir des effets néfastes sur les finances publiques du Congo à court terme mais ces accords pourraient constituer une source d’incitation des investissements étrangers et nationaux, ce qui élargirait l’assiette fiscale de l’État à long terme.

L’application de la réciprocité entre l’UE et le Congo exigée par l’Organisation mondiale du commerce, conformément à ses principes de fonctionnement, occasionnerait des pertes importantes du tarif extérieur commun (TEC). Cette hypothèse est fondée sur les simulations liées au modèle statique d’équilibre partiel, le calendrier de libéralisation couvrant cinq périodes sur 25 ans de période transitoire et cinq ans de préparation, portant sur 18% des échanges commerciaux avec l’UE, chaque phase correspondant à une réduction de trois points de TEC tous les deux ans appliquée sur les importations en provenance de l’UE.

Notons cependant que la suppression des droits de douane sur les différents produits importés par le Congo dans le cadre de la mise en œuvre des APE renforcera les capacités productives du secteur privée en entrainant une baisse des charges. Le Congo dispose d’une économie informelle plus importante que son économie formelle, répartie notamment dans les secteurs du bois, du pétrole, de l’agroalimentaire, des transports, du tourisme, de la pêche, du bâtiment, des télécommunications, des énergies, etc.

Aperçu du secteur informel au Congo

Bien que le secteur informel ne soit pas structuré, il joue un rôle important dans la lutte contre la pauvreté en raison de la faiblesse des structures de production et de service modernes capables d’absorber la grande partie des demandeurs d’emploi. Il contribue également à la consolidation de certains indicateurs socioéconomiques avec un ancrage très social. Par contre, il représente un enjeu économique majeur dans le cadre des débats actuels portant les mobilisations de ressources financières au niveau national. On peut regretter qu’il échappe au contrôle des services compétents de l’État pour déterminer sa marge de manœuvre dans les statistiques économiques.

Les entreprises formelles et le système de taxation

À l’instar des entreprises de la zone Cémac, les entreprises congolaises s’acquittent de taxes liées à l’importation, notamment le TEC qui concerne les produits importés hors zone Cémac. En outre, ces entreprises paient d’autres types de taxes, qui vont de la redevance sur l’informatique à la contribution communautaire à l’intégration destinée au fonctionnement de la Cééac, et la taxe statistique. En dépit des potentialités naturelles dont dispose le Congo, il est regrettable que ces entreprises demeurent tributaires des produits importés, avec pour prédominance des biens d’équipements et intermédiaires, et des matières premières dont les entreprises locales ont besoin en vue de réaliser des produits finis.

Une libéralisation de ces secteurs dans le cadre des APE devrait plutôt être bénéfique aux entreprises congolaises. En outre, les gains qui seraient réalisés par le secteur privé consécutivement au démantèlement tarifaire représenteraient des sources de motivation en matière de diversification des investissements. Celle-ci entraînerait l’élargissement de l’assiette fiscale de l’État.

La problématique des normes et qualité et les APE

Soulignons que la question des normes et qualité, qui devrait être au cœur de négociations tendant à libéraliser les marchés des pays ACP aux produits européens, n’a pas été vigoureusement soulevée par les négociateurs. On peut mettre en doute les capacités actuelles du Congo à bénéficier des opportunités qu’offre l’UE (libéralisation à 95% du marché) à court et moyen termes en raison de l’absence de laboratoires de certification hautement scientifiques et de normes nationales. En conséquence, il est nécessaire pour l’UE et le gouvernement congolais de créer un cadre idéal allant dans le sens de former les promoteurs des entreprises en ce qui concerne le respect des normes et qualité des produits qui entrent non seulement sur le marché de l’UE, mais aussi dans d’autres pays. L’idéal recherché à travers cet objectif est l’harmonisation des normes et qualité appliquées dans le Congo et l’UE, s’il fallait parler d’une véritable libéralisation commerciale via la mise en application des accords de partenariat économique et l’intégration de ces pays dans l’économie mondiale.

Il convient de mettre l’accent sur les créneaux porteurs dans le cadre de la diversification de l’économie nationale, dans la promotion de la culture entrepreneuriale avec la mise en place de mécanismes pouvant favoriser la formalisation de l’économie informelle, gage de l’élargissement de l’assiette fiscale et de sécurité budgétaire, ainsi que de la modernisation des administrations douanières et fiscales. Il en va de même de la bonne gouvernance politique et économique, la formation des entreprises locales sur la question du respect des normes de qualité des produits destinés à l’exportation. Il revient à l’UE de respecter ses engagements pris lors des différents temps forts des négociations des APE, sachant qu’un accord commercial réciproque entre les deux partenaires ayant des niveaux de développement inégaux risque, en l’absence de mesures appropriées, d’avoir des effets négatifs sur la structure des échanges.

Il faut transférer les ressources adéquates au partenaire moins riche pour l’aider à renforcer ses capacités productives en matière d’infrastructures, de capital humain et de technologie, transfert sans lequel le processus de libéralisation commerciale aggraverait les disparités existantes dans la mesure où le partenaire riche est en meilleure position pour en tirer profit et opportunités.

Alain Douathe-Koyangozo