Football : les stars africaines dénoncent la montée du racisme dans les stades

Jeudi 25 Avril 2019 - 21:50

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Les épisodes racistes ne cessent de se multiplier sur les terrains de football en Europe particulièrement, où se disputent les compétitions les plus suivies de la planète. Le dernier en date : un match de ligue 1 entre Amiens et Dijon, en France, au cours duquel le capitaine d’Amiens, le Franco-Ivoirien, Prince-Désir Gouano, a été victime d’insultes à cause de sa couleur de peau.

La veille de l’incident, des supporters du club de Chelsea, en Angleterre, avaient traité le joueur égyptien de Liverpool, Mohamed Salah, de « poseur de bombes ». En décembre, plusieurs incidents racistes s’étaient déroulés dans ce pays. Depuis des mois, ils se multiplient un peu partout en Europe, même si les chercheurs spécialistes de la question préviennent qu’il n’existe pas de données statistiques permettant d’étayer cette impression.

Le racisme dans les stades de football est l’expression d’un phénomène qui dépasse le sport. « Dans toute l’Europe, on assiste depuis quelques années à une montée des nationalismes, ainsi qu’à la libération d’une parole qui est longtemps restée tue parce que honteuse, et qui ne l’est manifestement plus », souligne Nicolas Bancel, historien du sport à l’Université de Lausanne, en Suisse.

Le club d’Inter Milan, en Italie, a joué deux matchs à huis clos en janvier, après les insultes racistes proférées par ses supporters contre le joueur de Naples, l’international sénégalais, Kalidou Koulibaly, en décembre. Des supporters ont été interdits de stade. Mais les incidents continuent de se succéder. C’en est à se demander si le match du football contre le racisme n’est pas perdu d’avance.

Des stars crient leur indignation face au phénomène

L’attaquant de l’équipe d’Angleterre, Raheem Sterling, a décrit le problème du racisme dans le football comme étant « profond » et « loin d’être réglé », dans le cadre d’un manifeste publié dans le quotidien britannique "Times". Il a proposé des solutions pour tenter de lutter contre ce fléau. Signé par plusieurs grands noms du football et des personnalités politiques, le manifeste appelle notamment à promouvoir les personnes issues des minorités ethniques à des postes importants, tout comme à une plus grande sévérité dans les sanctions pour les insultes racistes, de la part des autorités du sport, mais aussi des médias sociaux et des sponsors.

Le joueur de Manchester City, devenu une figure de proue de la lutte contre le racisme après avoir été victime à plusieurs reprises d’insultes, va jusqu’à proposer des mesures concrètes, par exemple, un retrait de neuf points en championnat et trois matches à huis clos en cas d’insultes racistes.

Pour Samuel Eto’o, l’ancien international camerounais qui a évolué dans les plus grands clubs européens, notamment à Barcelone entre 2004 et 2009, la seule solution qui prévaut est que tous les coéquipiers d’un joueur noir ciblé quittent le terrain en cas d’incident raciste. « Si les joueurs de couleur disent : "on ne joue pas", alors beaucoup de gens vont perdre de l’argent. Et quand tu touches à la poche de quelqu’un, je peux te dire qu’il va trouver des solutions », a-t-il confié dans un documentaire sur le racisme.

Le Gabonais d’Arsenal, Pierre-Emerick Aubameyang, s’est aussi exprimé sur ce phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur dans le football mondial. Lui qui s’est fait lancer une peau de banane par un supporter de Tottenham, lors du derby en décembre dernier, a admis que l’incident l’avait contrarié.

« Je suis vraiment déçu. J’ai eu le même problème contre Tottenham. Quand tu es Noir comme moi, c’est vraiment pénible, je pense, car nous sommes en 2019 et, évidemment, ce n’est pas bon pour le football en Angleterre. J’espère qu’on trouvera un moyen de nous en sortir », a déclaré l’attaquant.

Comment lutter efficacement contre le racisme dans le football ?

Il existe des pistes à explorer. Une première idée serait simplement d’appliquer, dans sa pleine mesure, le catalogue de sanctions qu’il est possible d’infliger à un club pour le comportement de ses supporters. En 2013, suivant la suggestion d’un groupe de travail qui a fonctionné jusqu’en 2016, la Fédération internationale de football association a adopté la résolution visant à harmoniser les pratiques sur la scène internationale.

Un deuxième levier serait de ne pas laisser les instances du football gérer seules le problème. Le sport fonctionne avec sa propre juridiction, son propre système de sanctions, ses propres voies de recours. Mais peut-il rester autonome s’il n’arrive pas à réguler, dans les stades qui sont des espaces publics, des actes qui sont des délits ? La question commence à titiller différents acteurs.

Il faut une collaboration plus intense avec les services de police, démarche qui avait en son temps permis d’enrayer le phénomène du hooliganisme, mais aussi avec les associations actives sur le terrain dans la lutte contre les discriminations. Car, le football ne gagnera son match contre le racisme que sur le long terme, en abordant le problème en profondeur.

 

 

Boris Kharl Ebaka

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