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Algerie, Soudan: la rue, c'est la rue !

Lundi 29 Avril 2019 - 10:00

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Algérie, Soudan, on y perd son latin. À tout le moins presque. Alors, en effet, que pour l’essentiel, dans les deux pays, les manifestants ont obtenu ce qu’ils voulaient quand on considère le départ forcé des présidents Abdelaziz Bouteflika et Hassan Omar El Béchir, aucune accalmie ne semble de mise sur le front populaire. À Alger et Khartoum, épicentres des revendications de ceux qui ont pris la rue, les foules continuent de s’agglutiner et de raller. Elles en veulent encore et toujours plus.

Dans l’un comme dans l’autre pays, il est une similitude qui ajoute à la complexité d’aborder les questions de fond que porte la succession des événements. Au-delà des spécificités de chaque situation, résumons le tout par la demande pressante de la rue de voir partir des équipes un peu anciennes, confrontées à une litanie de problèmes qu’elles n’ont pu résoudre dans les délais plus ou moins impartis. Sachons néanmoins que chez les peuples de toutes les nations, les problèmes de ce type sont à la fois ceux qui n’ont pas été résolus bien sûr, mais aussi ceux qui sont en voie de l’être ou qui l’ont mal été. Il n’est donc pas toujours facile de savoir à quel moment se produit le déclic de non-retour.  

Mettons donc que les Algériens, dans cette foule agissante vue sur les places publiques de la capitale de leur pays, rêvent- ce qu’ils proclament avec force- d’une autre Algérie, d’une nouvelle Algérie, que les Soudanais eux aussi aspirent au même bonheur. Comment ne pas s’interroger cependant sur la nécessité d’un calendrier approprié pour y parvenir ? Comment ne pas prendre le temps qu’il faut pour avancer sur quelque chose de plus concret, qui associe le génie des « indignés » - le concept est à la mode-, celui de la majorité silencieuse non-manifestante et aussi, soyons conséquents, celui de la minorité acculée à la reculade qui, bien souvent, a son modique mot à dire ?

Il est tout à fait clair, au regard de la surchauffe ambiante, que les propos construits plus haut ne peuvent pas faire l’unanimité. A quoi bon d’ailleurs s’y attendre dès lors, en effet, que les révolutions – ne doutons pas qu’il s’agit bien de ses déclinaisons dans ce qui se passe en Algérie et au Soudan- sont des moments où la raison pleine et entière reste d’un côté et la déraison quasi-totale de l’autre. Sauf qu’il nous faut scruter quelque chose de très particulier dans le déroulement des deux mouvements. Les manifestants ne veulent de personne d’autre que le peuple, tout bien considéré, détenteur légitime du pouvoir qu’il délègue par des mécanismes légaux à ses représentants.

Pour l’heure, ces mécanismes sont peut-être en cours d’installation. Mais les péripéties qui méritent d’être mieux observées dans ces mobilisations citoyennes à Alger et à Khartoum concernent les classes dirigeantes elles-mêmes. Quand l’homme qu’ils ont servi avec loyauté un certain nombre d’années durant est contraint d’abdiquer, des éminences sorties du même moule se donnent aussitôt le beau rôle d’assumer les pouvoirs transitoires. Il remonte ici et là des soupirs d’approbation de la part de ceux qui, parce qu’ils ont quitté la scène depuis un certain moment, plaident leur virginité.

Ce que Alger et Khartoum nous enseignent c’est qu’en tant que classe politique, le devoir d’assumer pour ce qu’on a fait ne se juge pas à ce qu’on était parti de là depuis longtemps. Il concerne le fait d’avoir été là quelle qu’en soit la période. Or de ce point de vue, la toile de renouvèlement des dirigeants, dans beaucoup de pays du continent noir (ailleurs le problème se pose autrement) peut étendre ses mailles sur un périmètre chiffrable en termes de décennies. On remonterait sans doute des indépendances à nos jours. Donc ne moquons pas à gorge déployée le malheur des autres quand la rue devient hystérique. Réfléchissons plutôt à la meilleure façon d'anticiprer la survenue de ces éprouvants retours d'opinions que forgent bien souvent nos comportements collectifs. 

Gankama N'Siah

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