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Il faut soutenir l’envol de Sheryl Gambo

Lundi 31 Mars 2014 - 0:22

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Lorsqu’on écoute Sheryl Gambo chanter, une vive émotion nous pénètre, et surtout on se sent en droit de revendiquer la fierté et la légitimité d’un peuple lointain dont les chants d’antan sur les embarcations et autres champs de coton impulsèrent et influencèrent la grande majorité des genres musicaux : rumba, variété, salsa, rhythm and blues, soul, reggae, raga, jazz, bossa-nova, etc.

L’artiste en réalité n’est plus à présenter après son premier album, Lemoyassa, qui défraya la chronique, et de nombreux featurings, notamment avec un groupe d’amies, Les Divas, mais aussi avec Jacob Desvarieux, Passi, Fally Ipupa, Freddy Massamba, Youssoupha, Tonton Ben et bien d’autres. Elle nous revient avec un second opus, Edy Tia Mboa – traduisons : « Ça se passe au pays ». Il faut assurément l’encourager et lui assurer l’envol qu’elle mérite, car c’est une artiste talentueuse qui a de la créativité à revendre. Ne dit-on pas que la croissance est étroitement liée à la créativité ? Avis aux décideurs…

Il est impossible et même inimaginable de demeurer insensible à ce qu’elle exprime, car elle s’adresse à toutes les tranches d’âge. Nous avions certes apprécié son premier album, dont des titres comme Essi dia ou encore Esali soni continuent de meubler les dance-floors et les hit parades, mais très honnêtement et sans fioriture aucune, Edy Tia Mboa mérite tous les détours, car Sheryl Gambo a su transformer ses premiers essais en coups de maître.

Il est difficile de ne recommander qu’un seul titre tant cet album parle à tous. Le titre Bara Tso est une salsa tellement entraînante, et le featuring avec l’artiste Freddy Massamba lui ajoute une touche particulière. Parmi les featurings qui témoignent du pic de maturité que vient d’atteindre Sheryl, il y a aussi le titre ragga Binissa Loketo avec son compatriote BenJi des Neg marron, emblème du très mythique Biso na Biso. On peut à loisir et sans se lasser, recommander Folie d’amour, un coupé décalé avec Pharaon, Nzambé avec l’excellente Oupta qui semble nous replonger dans La Nouvelle-Orléans des années 1980 où sévissait un certain Frankie Beverly avec son groupe Mazé. Et que dire de la version Ma Ngala d’Émile Oboa, ou, sans complexe, on croit percevoir des sonorités de guitare évoquant les inénarrables George Benson ou Jonathan Butler ?

Franchement, lorsqu’on possède un objet d’art aussi précieux que Sheryl, on le protège jalousement certes, mais on doit tendre par tous les moyens à en faire profiter le plus grand nombre. Son style authentique et éclectique que certains qualifient de nu afrosoul ne laisse pas indifférent, et ce mélange enchanteur de mélodies traditionnelles du Nord-Congo avec des arrangements jazzy, funky, soul rappelle ses années de gospel au sein des chorales de Brazzaville, mais aussi qu’elle est accompagnée par un autre artiste prodigieux et bien du terroir congolais, l’arrangeur, bassiste et réalisateur Francky « Moulet » Mwélé auquel il faut tirer son chapeau.

La petite expérience acquise à la fin des années 1990, c’est à la faveur du Fespam qu’elle est révélée au grand public par de grandes performances. Puis le label Dee Soul In Town des frères Mondjo a permis son éclosion, notamment avec la production en 2008 de son premier opus qui lui a valu l’octroi de plusieurs trophées, dont des Tam-Tams d’or et une place de finaliste du Prix RFI en 2012.

Son grand talent lui est tout de même reconnu, car elle venait d’être honorée d’une distinction d’excellence des arts et des lettres au Fespam 2013 par le département de la Culture et des Arts pour sa contribution au rayonnement de la culture congolaise. Mais en fait, il en faut bien plus pour celle qui devrait porter très haut l’étendard de la musique congolaise, surtout si on a bien compris qu’on ne peut évoquer ni espérer de réel développement économique en marginalisant les artistes qui sont des créatifs en puissance, susceptibles de stimuler l’emploi s’ils sont convenablement soutenus.

Après Madagascar (2008), l’Allemagne (2009), le Sénégal (2010), le Brésil (2011), le Qatar (2013), elle n’est qu’au début d’un parcours que nous pronostiquons sans difficulté et grandiose à couper le souffle à condition qu’elle s’impose une certaine hygiène de vie qui commence par la persévérance et la patience et qu’unanimement nous la portions.

Ferréol-Constant-Patrick Gassackys

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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