Evocation : "Pont sur le Congo" de Franklin Boukaka

Jeudi 16 Mai 2019 - 20:44

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Et la fiction rattrapa la réalité ! La très sérieuse Banque africaine pour le développement a fixé, pour août 2020, le lancement des travaux du pont sur le Congo qui reliera les deux capitales les plus proches du monde, Kinshasa et Brazzaville.

 Il y a un demi-siècle et poussière, en 1967, que les mélomanes des deux rives du grand fleuve Congo et de l’Afrique entière furent conquis par le lyrisme et la cadence d’un tube intitulé justement " Pont sur le Congo", dont notre génial compatriote au destin tragique, Franklin Boukaka, était l’auteur.

Dans les années 1960, Cercul Jazz "Lomeka" était une formation musicale à la mode. Sa cote de popularité grimpa rapidement auprès des mélomanes avec l’arrivée d’une nouvelle recrue pour renforcer sa ligne lyrique. Le nouveau venu n’était plus un inconnu du monde musical des deux rives du grand fleuve. En effet, François Boukaka, né le 10 octobre 1940 à Brazzaville, unanimement connu sous l’appellation de Franklin Boukaka qui faillit devenir militaire et prêtre, était monté sur les planches dès l’âge de 15 ans, en 1955. Evoluant tantôt à Brazzaville, tantôt à Kinshasa, il fut avec, entre autres, Michel Boyibanda à l’origine de la création de "Negro Band", un des groupes à succès des années 1960.

Dans Cercul Jazz "Lomeka", sa vie de barde le fit séjourner à Mossaka, ville riveraine du Congo, au centre-est du pays. Ce voyage fut fructueux en termes d’inspiration. Le tube « Honolé na Mossaka » qui fit sensation à l’époque propulsa Boukaka au-devant de la scène. C’est avec le même groupe qu’il enregistra, en 1967, la pépite « Pont sur le Congo » qui le consacra définitivement.

Cette chanson,"Pont sur le Congo", se déclinait dans son contenu comme une charte de l’unité entre les peuples des deux rives du grand fleuve. Dans l’esprit du musicien, ce pont était l’expression d’un appel à la solidarité entre les Bakongos, les Balubas, les Bangalas et les Baswahilis pour effacer les Congo, nés de l’intrusion impérialiste européenne pour renaître en une seule entité, le Congo, dont le martyr de la liberté des peuples africains, Patrice Lumumba, était la figure éponyme.

Le passage de la fiction imaginée par le chanteur Franklin Boukaka à la réalité matérialisée par l’existence d’un pont sur le Congo reliant Brazzaville à Kinshasa bouleversera la donne. Géographiquement, à la notion de ville-espace qui caractérisait jusqu’à présent l’existence dans un mouchoir de poche de deux capitales souveraines séparées par le lac Pool-Malebo se substituera une autre compréhension. En effet, le trait d’union que symbolisera le pont entre les deux villes capitales fera basculer la notion de ville-espace à celle de capitale-espace. Celle-ci, et, c’est une première mondiale, sera une ville unifiée capitale politique et administrative de deux Etats souverains, les deux Congo. Ainsi, ce pont construira une nouvelle architecture d’une Afrique intégrée dont Kinshasa-Brazzaville, capitale unifiée de deux Etats, sera la première articulation. Franklin Boukaka et Patrice Lumumba pourront désormais se reposer en paix devant l’Éternel.

L’artiste Franklin Boukaka était de la veine de Paul Kamba, Antoine Moundanda, le collectif Les Bantous de la Capitale, un génie de la musique congolaise produite de sa rive droite. Ses compositions reprises par les grands orchestres du bassin des Caraïbes témoignent de sa classe mondiale.

Victor Hugo écrivait au sujet du grand poète polonais, Adam Mickiewicz (lire Miskevitch), que « la diane des peuples c’est le génie qui la sonne. Autrefois c’était  le prophète qui la sonnait, aujourd’hui c’est le poète qui la sonne. Et, Mickiewicz est un des clairons de l’avenir ». Comment ne pas paraphraser le poète français pour dire que Franklin Boukaka est un des clairons de notre avenir ?

 

 

François-Ikkiya Onday-Akiera

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