Denis Mukwege, le réparateur des femmes violées

Samedi 7 Décembre 2013 - 9:15

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Une semaine après avoir été distingué par la Fondation Chirac du Prix pour la prévention des conflits, Denis Mukwege a reçu lundi 2 décembre à Stockholm le Prix Right Livelihood, désigné comme le Prix Nobel alternatif, pour son œuvre en faveur les victimes de violences sexuelles en RDC. Le jury a salué son action courageus. Cette distinction a pour vocation d’« honorer et soutenir ceux qui offrent des réponses pratiques et exemplaires aux défis les plus urgents auxquels nous devons faire face aujourd’hui »

Un médecin contre le viol

À 58 ans, Denis Mukwege a fait du viol un ennemi à éradiquer. Il mène cette croisade depuis 14 ans pour des dizaines de milliers de Congolaises et leurs familles. Rescapé de la première guerre de libération en 1966 et de la destruction de l’hôpital de Lemera dont il était le directeur, le Dr Mukwege s’est réfugié un temps à Nairobi avant de remettre le cap sur le Congo. Il fonde l’hôpital de Panzi dans le Sud-Kivu et travaille sur la destruction volontaire et planifiée des organes génitaux des femmes. Depuis 15 ans, Denis Mukwege et son équipe ont accueilli, opéré, réparé, et soutenu 40 000 femmes violées et mutilées ; inlassablement il soigne et dénonce ces violences. Quotidiennement, des dizaines de femmes, des petites filles, et maintenant des bébés, victimes de viols et d’esclavage sexuel se succèdent sur la table d’opération du gynécologue. Années après années, son combat s’ébruite, et le médecin acquiert une renommée internationale grâce à laquelle il reçoit suffisamment de dons pour construire dans l’enceinte de l’établissement une structure de soutien psychologique et une crèche pour les enfants issus du viol. Mais Denis Mukwege dérange, car au-delà de sa vaste action, le gynécologue dénonce. Le 25 octobre 2012, il est victime d’une tentative d’assassinat à son domicile, dans un quartier pourtant sécurisé de Bukavu. Les cinq malfaiteurs n’ont pas été retrouvés.

Le viol comme arme de guerre

Le Dr Kuwege agit contre la barbarie des hommes dans un pays où l’insécurité a élu domicile. Depuis 1997, on estime à 500 000 le nombre de viols et de mutilations en RDC. Ces actes d’une violence effroyable perpétrés aussi bien par des bandes armées que par des miliciens et des soldats ne sont que rarement réprimés. Faute de moyens et d’un dispositif judiciaire suffisamment fort, la plupart des coupables courent toujours. « Il faut qu’on arrive à tracer une ligne rouge. Tout le monde a peur des armes chimique, et je pense qu’on a tracé une ligne rouge. Quand la Syrie en a utilisé, tout le monde a dit : stop, ce n’est pas acceptable », a-t-il déclaré samedi à Stockholm. Il poursuit : « En ce qui concerne le viol comme arme de guerre, on tergiverse… C’est une arme qui détruit la femme et la société, qui créé des enfants et qui n’ont pas de filliation. Cela constitue un véritable génocide. »

Au cours de l’automne, 113 pays ont affirmé leur volonté de s’engager sur une déclaration pour lutter contre le viol comme arme de guerre. Denis Mukwege salue la mobilisation internationale et continue sa mobilisation. Car pour lui, le problème reste intact.

Morgane de Capèle