Diaspora : le 2e Forum économique de la CADE consacré à l'industrialisation du continent

Lundi 2 Septembre 2013 - 18:15

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Le pôle économique de la Coordination pour l’Afrique de Demain (CADE), un think-tank qui se propose de porter un regard positif sur l'Afrique, organisera son deuxième Forum économique à Paris en novembre avec pour thème « Bâtir des industries modernes et compétitives en Afrique ». Son vice-président, le Congolais Roland Portella, répond aux questions des Dépêches de Brazzaville

Les Dépêches de Brazzaville : Pourquoi avoir choisi ce thème pour votre Forum économique ?

Roland Portella, vice-président de la CADERoland Portella : Il ne peut y avoir de croissance économique pérenne s’il n’y a pas un tissu industriel important car les économies basées sur des rentes ne sont pas viables à long terme. On parle aujourd’hui de diversification voire d’émergence mais cela est un leurre si l’Afrique n’a pas de tissu industriel. La consommation augmente, il existe des besoins nouveaux en termes d’agro-industrie, d’économie verte ou de produits manufacturés. Or, pour prendre l’exemple du Congo, ceux-ci sont importés à 95%. Non seulement cela coûte cher mais on ne crée pas d’emplois, alors que l’un des problèmes centraux auquel doivent faire face les économies africaines est l’emploi des jeunes. Des progrès sont faits au Cameroun, en Côte d’Ivoire et au Ghana mais ces trois pays ne peuvent à eux seuls répondre à la demande de l'Afrique subsaharienne.

LDB : De quoi l’Afrique a-t-elle besoin pour opérer ce décollage ?

RP : L’Afrique a certes besoin de capital mais elle doit aussi élaborer des stratégies réalistes c’est-à-dire adaptées aux capacités de chaque pays. Nous avons également besoin de compétences pour occuper des emplois qualifiés de technicien supérieur ou d’ingénieur. De plus, il serait bon de cesser de chercher tout le temps nos modèles à l’extérieur ou de fonctionner avec des entreprises étrangères. Aujourd’hui 75% des entreprises qui opèrent dans les secteurs industriels en Afrique viennent de l'étranger. Cela est positif puisqu’elles participent au développement de l’Afrique, mais aujourd’hui si l'on parle de croissance inclusive, il nous faut créer une classe émergente d’industriels africains. Ce ne seront pas forcément des grands groupes : avec 50 personnes et un capital d’1 million d’euros, on peut déjà créer une petite industrie d’huile. En Côte d’Ivoire, 70% des produits à base d’huile sont importés, ce qui ne permet pas l’émergence d’une filière locale. Il faudrait que les institutionnels créent un cadre incitatif d’équilibre entre importations et productions locales.

LDB : Quelle sera la contribution de ce Forum ?

RP : Lors du forum nous allons faire de la prospective : identifier quels sont pour les 20 ans à venir les marchés industriels porteurs pour chaque pays, où existent à la fois des gisements réels d’emplois et des développements ou des sauts technologiques. Nous aurons également des témoignages d’entrepreneurs qui vont nous faire partager les défis auxquels ils doivent faire face concrètement pour avoir une industrie viable. Le manque d’infrastructures énergétiques et de logistique est crucial : les groupes étrangers créent leur propre éco-système et produisent leur énergie mais les entrepreneurs locaux n’ont pas ces capacités. Ce manque d’infrastructure fait que nous arrivons souvent à des situations paradoxales dans lesquelles il est plus facile d’exporter hors d’Afrique que vers un pays frontalier. Nous ferons également le pont entre industriels confirmés et jeunes entrepreneurs. Aujourd’hui les entrepreneurs innovants africains tels que Vérone Mankou, Arthur Zanga, qui a inventé un appareil technologique de contrôle de maladies cardiaques, ou encore Guy Tchulieu, dans la fabrication de systèmes d’énergies solaires, sont obligés d’industrialiser leurs produits en Asie. Cela ne crée pas de valeur ajoutée sur le continent et empêche les transferts de connaissances.

LDB : Quel peut être l’apport de la diaspora ?

RP : La diaspora constitue une manne financière et un capital de savoir mais il faut lui donner un cadre spécifique pour la motiver. Les Africains de l’étranger doivent venir sans prétention en complément des compétences locales. Les gens de la diaspora devraient travailler sur l’inexistant : voir quels secteurs ne sont pas développés et aller investir dans ces domaines là. De leur côté, il appartient aux autorités de mettre en place un cadre institutionnel incitatif. Des pays tels que le Ghana sont très avancés dans ce domaine. La diaspora y est un des acteurs institutionnels du développement. Elle est associée aux programmes économiques conclus entre le Ghana et ses partenaires asiatiques ou occidentaux et elle bénéficie de guichets économiques ainsi que d’instruments financiers spécifiques. Il en est de même au Nigéria et en Ethiopie. Mais dans ce pays, l’État a voulu se lancer dans des programmes trop ambitieux en créant des produits financiers obligataires devant servir au financement d’infrastructures notamment des barrages hydrauliques. Quant à la Côte d’Ivoire, elle est en train de mettre en place un fonds d’investissement spécifique diaspora.

Pour en savoir plus: 

http://www.afrique-demain.org/

 

Rose-Marie Bouboutou

Légendes et crédits photo : 

Roland Portella, vice-président de la CADE.