Kinshasa, le royaume du Kitendi : quand l’extravagance est au rendez-vous avec la mode

Lundi 7 Janvier 2013 - 8:00

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel

De tout temps, il a régné un antagonisme, pas vraiment méchant, entre les deux Congo en matière de sape, et même entre adeptes kinois. Certains tiennent la Sape pour la Société des artistes et des personnes élégantes, mais d’autres, plus nombreux, la définissent comme Société des ambianceurs et des personnes élégantes, référence à la musique, fêtards qui aiment à se pavaner et se donner en spectacle lors de concerts et autres rencontres festives. Le point de convergence entre toutes tendances de sapeurs est qu’ils tiennent le N’Ganshie Stervos Niarcos, le fameux pape de la « Religion Kitendi » pour leur modèle. Certains vont jusqu’à l’idolâtrer

Le mouvement, un vrai phénomène qui à ce jour suscite autant de curiosité qu’à ses débuts, a traversé le fleuve depuis Brazzaville et a su gagner une certaine audience à Kinshasa. D’une capitale à l’autre, la Sape s’est imprégnée des réalités et préférences vestimentaires locales. Ainsi au niveau de l’appellation interviennent des influences du milieu comme l’apparition de l’expression « Religion Kitendi » à Kinshasa. Il est question de tissu (kitendi en lingala), de l’appréciation de sa valeur et de sa qualité, mais pas seulement…

En effet, à Kinshasa, ce qui importe, c’est la « griffe ». Les parades, dans le jargon de la Sape, où il est question « d’affrontements », en témoignent. Très souvent les sapeurs kinois sont « ravitaillés » par des parents résidant en Occident. Dès lors s’explique le fait que les sapeurs fassent fi des conditions atmosphériques. Le cuir, plutôt prisé, se porte sous un soleil ardent, les fourrures sont aussi quelquefois au rendez-vous. La couleur noire, connue pour attirer la chaleur, n’est pas dédaignée pour autant, au contraire.

Tout se joue finalement non pas en considération des conditions climatiques locales, mais bien sur le désir de paraître et impressionner. Tissus de toutes textures, fibres végétales et peaux de bête se côtoient tout autant que les coupes les plus diverses, des pantalons aux kilts en passant par les bermudas. À Kinshasa, les femmes sont pratiquement aux abonnés absents, à l’exception de la Mama Africa qui s’affiche au côté de Papa Griffes.

Quatre sapeurs nous emmènent dans leurs univers de formes, de griffes et d’extravagance. Leur point commun est cette passion affirmée, sans complexe, pour la sape qu’ils vivent à fond en gardant les pieds sur terre, disent-ils : « Être sapeur n’empêche pas de travailler. Car pour s’habiller il faut de l’argent. » Ce discours vient ainsi faire tomber les stéréotypes sur les sapeurs considérés d’ordinaire comme des vauriens, des mendiants, parasites des stars et autres personnalités, souteneurs du monde musical.

Dans la vie de tous les jours, Chancelier Mobonda est changeur de monnaie. Les occupations journalières de Go la Sape et Six Smalto ont été évoquées, il reste donc à signaler que Ba Papiers gagne sa vie comme frigoriste.

Nioni Masela