Les Dépêches de Brazzaville



Accord de Paris : Joe Biden attendu au tournant


Le programme d'accélération de la transition bas carbone de Joe Biden

La statégie climat de Joe Biden repose sur un programme d’accélération de la transition bas carbone. Mais son ryhtme se révèle difficile à mettre en place, au vu des obstacles politiques. Il reste à savoir si une telle accélération exercera un effet domino, s'interroge le professeur Christian de Perthuis. La nomination de l'ancien secrétaire d'Etat, John Kerry, à la tête de la diplomatie climatique américaine relève d'un changement de cap pour le 2ème émetteur mondial de Gaz à effet de serre (GES), après l'adoption du protocole de Kyoto sous Clinton en 1997, son abandon par l’administration Bush en 2001, et les engagements d’Obama à Copenhague en 2009, rejetés en 2010 par le Congrès, et la ratification de l’Accord de Paris en 2016, dénoncée par Donald Trump dès sa prise de fonctions.

Si le retour des Etats-Unis était souhaité, personne ne sait quelle sera sa contribution, et si celle-ci rencontrera l'adhésion des autres Etats, rappelle le fondateur de la chaire économie du climat. Joe Biden s'était prononcé favorable à la neutralité climatique à l’horizon 2050, une cible plutôt consensuelle au sein des pays industrialisés. Mais il ne dispose que de quelques mois pour préciser ses intentions, d’ici la COP26 de Glasgow (Ecosse) de novembre 2021, le rendez-vous le plus important depuis la conférence de Paris.

Joe Biden devra remettre à niveau les « contributions déterminées au plan national » déposées aux Nations unies par les différents pays. Cette contribution vise d’ici 2025 une baisse de 26%-28% d'émissions de GES. Le retour de Washington dans l’Accord de Paris devra donc s’accompagner d’une réévaluation des objectifs intermédiaires, explique-t-il. L’ ancien conseiller énergie-climat de Barack Obama,  Nathaniel Keohane, préconise de viser une baisse des émissions de 50 % entre 2005 et 2030. Ce qui satisfait l'Union européenne (UE). « Mais les promesses de campagne sont une chose, et les mettre en application en sont une autre », rappelle Christian de Perthuis.

Le « Green New Deal » de Joe Biden-Harris

L'autre proposition de Joe Biden, c'est Le « Green New Deal », l'accélérateur de l’investissement vert. Mais le ticket Biden-Harris devra avoir l'aval du Congrès, notamment le Sénat où les démocrates ont une majorité plutôt étroite. L’une des grandes inconnues concerne la capacité de Joe Biden à trouver les majorités requises pour faire adopter par le Congrès des lois en phase avec son programme, souligne Christian de Perthuis. Bien insuffisant, le « Green New Deal » pourrait amplifier les investissements dans les énergies renouvelables et la mobilité bas carbone, pour atteindre d’ici 2030 des objectifs ambitieux de réduction d‘émission. Pour y parvenir, l'universitaire appelle à désinvestir rapidement et massivement des énergies fossiles. Et c’est là que ressurgit l’opposition frontale avec les Républicains, note-t-il. 

La position de la Chine, une grande interrogation !

La Chine interroge. À l’origine des émissions mondiales, sa voix pèse lourd. Lors de l’Assemblée annuelle des Nations unies, le président Xi Jinping s’était prononcé en faveur de la neutralité climatique à l’horizon 2060. Le véritable enjeu sera de traduire cette cible en objectifs intermédiaires d’ici la COP26 de Glasgow. La décennie 2010, Pékin a infléchi la croissance de ses émissions en freinant l’expansion du charbon et en développant l’électricité renouvelable. Sa contribution lui permet de poursuivre une hausse substantielle de ses émissions jusqu’en 2030, révèle Christian de Perthuis.

« Le reste du monde » représente 53% de rejets mondiaux

Il pense que la crise de Covid-19 conjuguée à la relance de la diplomatie climatique pourrait inciter les dirigeants à aller dans ce sens. A long terme, les effets d’entrainement les plus importants concernent le « reste du monde » qui est devenu, devant la Chine, le plus gros contributeur à l’accroissement des émissions mondiales durant la dernière décennie En 2018, les trois premiers émetteurs de GES (Chine, US et UE-28) ont représenté 47 % des rejets mondiaux. Le « reste du monde » en représente 53%. C’est lui qui aura le plus contribué à l’accroissement des émissions mondiales durant la dernière décennie.

Eviter de faire des PMA les gros émetteurs de demain

Les pays moins avancés (PMA), pèsent peu dans les émissions mondiales du fait de la faiblesse des rejets par habitant. Pour éviter de faire d'eux des gros émetteurs mondiaux de demain, Christian de Perthuis propose d'amorcer directement la transition bas carbone par un effort d’investissement élargissant l’accès à l’énergie dont est privée une grande partie de leur population. Car, il y a urgence en la matière, les PMA étant lourdement affectés par la crise économique provoquée par le Covid-19. La voie la plus noble, pour accompagner le retour des États dans l’accord climatique, serait, selon lui, de l’assortir d’une proposition immédiate d’allègement de leur dette publique et d’y engager un programme massif d’investissements verts.

« Si Joe Biden s’engageait sur une telle voie, en y associant la Chine et l’Europe, la conférence de Glasgow pourrait devenir ce point de rupture tant attendu en matière d’action climatique internationale », conclut-il.


Noël Ndong