Les Dépêches de Brazzaville



Afrique : vers la restructuration de la dette des pays les plus pauvres


Les pays à faible revenu sont confrontés à moins de problèmes d'endettement aujourd'hui qu'il y a vingt-cinq ans, notamment grâce à l' initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE), qui a réduit le fardeau de la dette ingérable en Afrique subsaharienne et dans d'autres régions, selon les auteurs, Guillaume Chabert, Martin Cerisola et Dalia Hakura. Malgré que les ratios d’endettement soient plus faibles qu'au milieu des années 1990, la dette a augmenté au cours de la dernière décennie et l'évolution de la composition des créanciers rendra les restructurations plus complexes. Les auteurs craignent que des améliorations au cadre commun du G20 pour le traitement de la dette, dont peuvent désormais bénéficier les 73 pays éligibles à l'Initiative de suspension du service de la dette (DSSI) du G20 en 2020-21, ouvre la voie à cette complexité croissante des créanciers. Jusqu'à présent, seule une poignée de pays a demandé à utiliser le cadre commun, lancé en novembre 2020, soulignant la nécessité d'un changement pour renforcer la confiance et encourager la participation à un moment charnière pour les pays à faible revenu très endettés.

Risques croissants de surendettement

A cause des taux d'intérêt bas, des besoins d'investissement élevés, des progrès limités dans la collecte de recettes et des systèmes tendus de gestion des finances publiques, les ratios d'endettement des pays DSSI ont augmenté, inversant une baisse observée au début des années 2000. Les chocs économiques de la covid-19 et la guerre en Ukraine s'ajoutent aux problèmes d'endettement auxquels sont confrontés les pays à faible revenu. Environ 60 % des pays DSSI sont exposés à un risque élevé de surendettement ou sont déjà surendettés, selon le rapport. Parmi les 41 pays DSSI à haut risque ou en surendettement, le Tchad, l'Éthiopie, la Somalie (dans le cadre de l'initiative PPTE) et la Zambie ont déjà demandé un traitement de la dette. Une vingtaine d'autres présente des dépassements significatifs des seuils de risque élevés applicables, dont la moitié a également de faibles réserves, des besoins de financement en hausse ou une combinaison des deux en 2022. Sur le plan intérieur, des arbitrages difficiles existeront entre la nécessité de restructurer la dette souveraine due aux banques nationales, et l'impact de ces restructurations sur la stabilité du secteur financier et la capacité des banques nationales à financer la croissance, soulignent les auteurs. 

Défi de coordination et cadre commun

Sur le plan externe, l'étude observe une diversité accrue des créanciers, ce qui pose des problèmes de coordination. Au cours des dernières décennies, les pays DSSI ont emprunté principalement auprès des pays créanciers officiels du Club de Paris et des banques privées, aux côtés des institutions multilatérales. Aujourd'hui, la Chine et les détenteurs d'obligations privées jouent un rôle de prêt beaucoup plus important. La part de la dette extérieure des pays DSSI due aux créanciers du Club de Paris est passée de 28 % en 2006 à 11 % en 2020. Au cours de la même période, la part due à la Chine est passée de 2 % à 18 % et la part des euro-obligations vendues à des investisseurs privés. La Chine est désormais le plus grand créancier bilatéral officiel dans plus de la moitié des pays DSSI. Pékin jouerait donc un rôle clé dans les restructurations de la dette de la plupart des pays DSSI. La mise en place de mécanismes assurant la coordination et la confiance entre créanciers et débiteurs est devenue urgente, indique le document. Des améliorations au cadre commun du G20 pourraient jouer un rôle important en garantissant une large participation des créanciers avec un partage plus équitable des charges. Le renforcement de la gestion et de la transparence de la dette devrait également être une priorité. Ce qui aiderait les pays à gérer les risques liés à la dette, réduirait le besoin de restructuration de la dette et faciliterait une résolution plus efficace et durable si la dette devenait insoutenable. 

 


Noël Ndong