Les Dépêches de Brazzaville



Ambition Africa 2025 : à Bercy, Paris tente de refonder un partenariat économique gagnant-gagnant avec l’Afrique


Au-delà du dynamisme affiché des rencontres d’affaires - avec près de 1 400 rendez-vous B2B - l’événement a permis à Paris de dévoiler les contours d’une stratégie africaine en pleine recomposition fondée sur le codéveloppement, la production locale, et une ouverture résolue vers les marchés anglophones et lusophones.

Un repositionnement géo-économique assumé

Si la France demeure le 4ᵉ investisseur étranger en Afrique, ses exportations n’ont toujours pas retrouvé leur niveau d’avant 2014. Cette réalité, doublée d’une concurrence exacerbée - Chine, Inde, Turquie, pays du Golfe et même partenaires européens - pousse Paris à réinventer son positionnement. Les exemples récents au Sénégal, entre contrats majeurs remportés par Vinci et projets confiés à des entreprises chinoises, illustrent cette compétition accrue. Dans un contexte marqué par la montée du souverainisme économique africain, les partenaires du continent appellent désormais à repenser le modèle. Comme l’a rappelé Dakar sous l’impulsion du président Bassirou Diomaye Faye, il ne s’agit plus seulement d’attirer l’investissement mais de faire comprendre les économies africaines, leurs priorités et leurs logiques endogènes.

Le « gagnant-gagnant », nouvelle doctrine française

Face à ces transformations, Paris adopte une posture plus humble et plus pragmatique. Le mot d’ordre : des partenariats mutuellement avantageux prenant en compte la demande africaine d’industrie locale, de transfert de compétences et de montée en valeur. Dans les faits, les entreprises françaises exportent de moins en moins de produits finis et davantage d’intrants et de semi-finis, s’inscrivant dans la dynamique d’industrialisation continentale et du label émergent « Made in Africa » promu par l’Union africaine. La France cherche ainsi à se distinguer de la Chine par une approche davantage partenariale, moins extractive et mieux arrimée aux priorités politiques africaines.

Au-delà de l’espace francophone : un tournant diplomatique et culturel

Le déplacement stratégique de Paris vers les zones anglophones et lusophones marque l’un des tournants majeurs de cette édition 2025. L’Angola, fortement représentée à Bercy, illustre cet élargissement. Et pour la première fois, un sommet Afrique–France se tiendra en pays anglophone, au Kenya en mai prochain, pour renforcer la coopération en matière d’innovation et d’entrepreneuriat. Cette ouverture reste toutefois confrontée à des obstacles culturels : langue, pratiques contractuelles anglo-saxonnes, et perception persistante d’un savoir-faire français trop francophone. D’où l’insistance des responsables politiques : la francophonie n’est pas l’antagoniste de l’anglais, mais un espace culturel complémentaire.

Vers une relation plus mature et moins asymétrique

Ambition Africa 2025 traduit finalement une prise de conscience : la France ne peut plus compter sur des rentes historiques. Pour continuer d’exister dans un paysage africain multipolaire, elle doit devenir un acteur écoutant, flexible et partenaire, capable d’accompagner - et non de diriger - les trajectoires économiques africaines.


Noël Ndong