Les Dépêches de Brazzaville



Bonnes nouvelles d'Afrique: un temps d'avance pour Bordeaux (France)


La troisième édition de Bonnes nouvelles d'Afrique s'est tenue à Bordeaux le 12 juin. Une rencontre organisée par la Fondation Prospective et Innovation que dirige l'ancien Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin, avec le soutien de la mairie de Bordeaux.

Pendant toute cette journée, des intervenants d'horizons divers - dirigeants de grandes entreprises (Total, Deloitte), banquiers (Attijariwafa Bank, Bank of Africa, Société générale), chercheurs (Cnrs), entrepreneurs (le Congo était représenté par Vérone Mankou) ont pris la parole pour donner leur vision de l'Afrique  teintée d'afro optimisme. Un terme très en vogue en France dans les colloques bien que largement ignoré par la presse française.  

En ouvrant officiellement cette session, Pierre de Gaétan Njikam, adjoint au maire de Bordeaux, n'a pas manqué de saluer la position d'Alain Juppé vis à vis du continent qui " sans sous estimer les défis des sociétés africaines, a toujours considéré les atouts du continent et a permis à Bordeaux de prendre un temps d'avance ". Une ouverture vers l'Afrique illustrée d'ailleurs très concrètement il y a deux mois par la Journée des diasporas au cours de laquelle était intervenue la conseillère à la diaspora du chef de l'Etat congolais, Edith Itoua.

Il a bien sûr été question tout au long de la journée des leviers de l'Afrique que sont les diasporas, les taux de croissance, la jeunesse,  les mutations digitales, et de ses paradoxes, ses dangers et ses défis (montée de la violence terroriste, croissance exponentielle des villes...). Avec cette notion de temps. "Chacun a sa vitesse dans l'histoire, a insisté Jean-Pierre Raffarin rappelant l'exemple du saut historique de la Chine devenu leader au XXI siècle. "La Chine n'a pas connu l'étape du téléphone fixe ! En Afrique ce saut dans l'histoire, ces mutations se feront par l'intelligence, l'innovation, les investissements en conjuguant les intérêts privés des investisseurs et l'intérêt public".

Sur ce sujet, évoquant l'accélération de la bancarisation et de l'avenir du paiement numérique , le président de la fondation Africa-France, Lionel Zinsou, a souligné les défis technologiques du continent, saluant au passage la trajectoire de Vérone Mankou (VMK) présent dans la salle. Il a insisté sur les principes de développement de proximité et d'intégration notamment face à la montée des périls sécuritaires. "La sécurité est un bien public" a-t-il martelé.

En Afrique, le mobile enregistre la croissance la plus rapide au monde

Si les questions économiques ont été longuement évoquées avec certaines inquiétudes liées à la chute du baril du pétrole et à la progression des taux d'intérêt, l'intégration régionale économique a bien été considérée comme une voie d'avenir au même titre que la nécessaire accélération des infrastructures, la formation de la jeunesse, ou encore l'accession à la propriété et l'augmentation du taux de bancarisation caractérisé ces dernières années par la multiplication des banques nationales. Mohammed Krisni a rappelé à ce sujet que la banque Attijariwafa Bank a réussi l'implantation de 600 agences en Afrique du nord et en Afrique subsaharienne.

L'accélération de la téléphonie mobile a particulièrement retenu l'attention des intervenants. "En Afrique, le mobile enregistre la croissance la plus rapide au monde avec 98% de cartes prépayées a relevé Annie Cheneau-Loqua du CNRS. Les opérateurs se sont adaptés aux marchés populaires et ont généré des emplois informels. Le mobile est devenu l'outil du quotidien."

Vérone Mankou qui se prépare à inaugurer son usine à Brazzaville, a pour sa part insisté sur ce saut du continent. "Investir en Afrique aujourd'hui, c'est être présent demain, a-t-il souligné, tout en souhaitant que le numéro 1 du continent soit une marque africaine". Mais a-t-il rappelé, "c'est bien de 54 pays dont il s'agit. 54 cultures. Un marché commun vient de voir le jour. Demain le continent se structurera avec des grandes régions économiques sur la base d'échanges gagnant-gagnant y compris avec l'Europe. La prochaine puissance sera l'Afrique unie et cette Afrique aura besoin de partenaires." Très clairement, quels seront les gagnants, quels seront les perdants ?

Paix et la sécurité, la question des périls sécuritaires

Autre grand sujet : la paix et la sécurité. Cheik M. Tidiane Gadio s'est inquiété des périls sécuritaires soulignant que la crise du Sahel est la plus grave crise que l'Afrique ait connue. "Mais les Africains ont les réponses à apporter par la mutualisation de leurs moyens pour créer des bases militaires régionales." Un propos relayé par le général Jean-Marc Laurent qui a insisté sur les réponses à apporter face à ces menaces, et pas seulement d'ordre militaire. "Plus les Etats sont forts, plus ils sont capables de répondre aux menaces multiformes. Il faut préparer les outils sécuritaires pour avoir un coup d'avance et penser à des réponses de nature sociétale, économique, sans oublier l'éducation."

Le développement durable, autre sujet au cœur des préoccupations a été l'occasion d'idées fortes. Pour Cheik M. Tidiane Gadio, ancien ministre des Affaires étrangères du Sénégal, président de l'Institut panafricain de stratégies, il est impératif de régler le problème de l'agriculture pour nourrir les populations. Un sujet de fond étroitement lié aux dérèglements climatiques. Pour Philippe Coste, vice-président de Carbonium, entreprise qui conseille des gouvernements (Congo, Sénégal) à concevoir des programmes d'atténuation du changement climatique, il faudra requalifier l'aide au développement en aide au changement climatique. Le budget du Fonds vert pour le climat, a-t-il rappelé,  représente près de 10 milliards de dollars avec des augmentations spectaculaires  dans un futur proche.

Pour l'Afrique, et pas seulement sur la question du climat, de nombreuses perspectives de financements existent bel et bien pour des projets de qualité et rentables sur la base de nouvelles approches. En assouplissant peut-être les contraintes, en retardant parfois le point d'équilibre des projets, a-t-on entendu. Mais en associant les sociétés civiles, a conclu Pierre de Gaëtan Njikam.

En savoir plus : www.prospective-innovation.org


Bénédicte de Capèle