Les Dépêches de Brazzaville



Cinéma : le cinéaste Moussa Touré encadre de jeunes réalisateurs


Les Dépêches de Brazzaville : Vous venez de participer, avec une dizaine de jeunes cinéastes congolais, à un master class. De quoi s’agit-il exactement ?

Moussa Touré : C'est une sorte d'atelier au cours duquel nous avons parlé de la faisabilité de films documentaires. Je crois que neuf ou dix films vont pouvoir être faits. Les gens sont venus à cette session avec des sujets de films. Mais en premier lieu, je leur ai montré ce que j’avais fait, car le cinéma ne se fait que par ce que l’on voit. Il faut en effet voir beaucoup de films réalisés par d'autres que soi, avant de faire un film. On a lu ensuite leurs projets puis les questions ont commencé à fuser de part et d'autre. Parmi leurs idées de films, il y a de très beaux projets de films et d'histoires sur l’amour, l’enfance, l’étranger, la jeunesse. Ce master class a vraiment été différent des autres car en général, on parle et on s’en va. Cette fois-ci, il s'est agi d'ouvrir les yeux aux gens parce que le cinéma, c’est faire ouvrir les yeux à ceux qui ont des projets.

LDB : Quelle sera la suite donnée à ces projets qu’ils vous ont soumis ?

M.T. : Les projets vont prendre vie à partir de maintenant et seront visibles sans doute en février. On commencera probablement en novembre à les fabriquer. Sinon ils vont être produits et montés par des Congolais et des Marocains. Il va nous falloir sans doute trois équipes. J’ai envie de pousser les jeunes à faire des films et de leur donner des occasions. Je ne suis pas pour des films avec beaucoup de moyens, car je suis dans un continent ou le cinéma coûte cher.

LDB : Vous connaissez bien le Congo puisque vous y venez souvent. Quel regard avez-vous sur le cinéma congolais ?

M.T. : Le cinéma congolais est dispersé. Je connais des cinéastes comme Rufin Mbou, qui est en Europe. La jeune Claudia, qui est là, a fait venir l’an dernier des collègues comme Idrissa Ouédraogo, Bassek, mais pour faire vivre ce cinéma, il faut se réunir. Voilà pourquoi je suis venu car ce qu’elle fait m’intéresse. Dommage qu’ici chacun fasse de son côté. Il y a pourtant des personnes qui essaient d’émerger. 

LDB : Vous aviez fait un film La pirogue sorti il y a une année. C'est un film très dur, pourquoi ?

M.T. : Dakar borde l’océan. C’est un point de départ et d’horizon et quand on est désespéré on va vers l’horizon. À un certain moment, les jeunes partaient et personne ne disait rien. Tout le monde était d’accord parce que l’horizon était bouché. Or les gens des pays riverains venaient. J’ai rencontré un jeune qui m’a raconté comment il était parti et revenu et c'est cette histoire qui m’a poussé à faire ce film. Mais après avoir fait ce film, j'ai éprouvé un sentiment de tristesse car j’ai aussi des enfants qui ont l’âge de ceux qui partent. C’est triste quand on est un Africain, surtout on se demande : c’est quoi cette Afrique qui ne change pas, qui n’évolue pas ? Je me pose la question.

LDB : Un dernier mot pour conclure ?

M.T. : Je lance un appel à tous ceux qui nous gouvernent. Qu’ils pensent à la jeunesse car l’Afrique est jeune à 75%. Que les vieux arrêtent et fassent pour les jeunes ! Je fais le tour de l’Afrique pour ça.


Hermione Désirée Ngoma

Légendes et crédits photo : 

Moussa Touré.