Commerce extérieur : le Congo domine la CémacLe classement 2024 du comité de compétitivité sur les vingt plus grands exportateurs africains confirme une tendance lourde : le Congo consolide son statut de première puissance exportatrice de la zone Cémac, devançant nettement le Gabon et reléguant le Cameroun à la 19ᵉ place continentale. Avec 8 milliards de dollars d’exportations, Brazzaville occupe désormais le 16ᵉ rang africain, malgré une contraction notable de ses recettes due à la baisse des cours du pétrole. Cette performance souligne à la fois la résilience relative de l’économie congolaise et son extrême dépendance aux hydrocarbures - un facteur structurel déterminant dans la reconfiguration actuelle du commerce extérieur en Afrique centrale. Entre 2023 et 2024, les exportations congolaises ont reculé de près de 4 milliards de dollars, passant de 11,7 milliards à 8 milliards. Cette chute brutale, largement attribuable à la correction des prix internationaux du brut, met en évidence la vulnérabilité du pays aux fluctuations des marchés mondiaux. Mais malgré ce choc, le Congo maintient une part significative des exportations africaines (1,4 %), confirmant son rôle pivot dans le Golfe de Guinée. La centralité de son économie dans les flux pétroliers régionaux en fait un acteur incontournable des équilibres commerciaux du continent. Le Gabon, deuxième exportateur de la Cémac, occupe quant à lui la 17ᵉ place africaine, avec 7,9 milliards de dollars d’exportations. Là encore, l’ajustement sévère des cours pétroliers a entraîné une chute de 4,8 milliards par rapport à 2023. La trajectoire de Libreville illustre la même logique que celle du Congo : une exposition maximale aux cycles pétroliers, dont les phases baissières se traduisent instantanément en pertes massives de recettes extérieures. Face à ces deux économies dominées par les hydrocarbures, le Cameroun, souvent présenté comme la « locomotive économique » de la Cémac grâce à la diversité de sa base productive, affiche un profil radicalement différent - mais beaucoup moins spectaculaire en termes d’exportations. Avec 6,7 milliards de dollars en 2024, soit une baisse de 400 millions sur un an, il ne représente que 1,1 % des exportations africaines. Son tissu économique plus diversifié – agro-industrie, bois, minerais, petite industrie – lui permet d’amortir les chocs pétroliers, mais limite aussi les gains rapides lorsque les marchés des hydrocarbures s’emballent. En d’autres termes, le Cameroun est plus stable, mais moins explosif. L’avance congolaise sur le Cameroun traduit, en réalité, une vérité géoéconomique structurelle : dans le Golfe de Guinée, la puissance exportatrice dépend encore largement de la capacité à exploiter les hydrocarbures, et non de la diversification productive. C’est précisément cette équation qui permet au Congo, malgré un tissu industriel faible et des indicateurs socio-économiques fragiles, de conserver une position dominante dans les statistiques continentales. Sur le plan géopolitique, cette hiérarchie commerciale renforce le rôle stratégique du Congo dans les relations énergétiques régionales. Brazzaville bénéficie d’une visibilité diplomatique accrue auprès des opérateurs pétroliers internationaux, d’un poids plus important dans les négociations énergétiques, et d’une influence renforcée au sein de la Cémac. Pour le Cameroun, cette réalité pose un défi de fond : comment transformer sa diversification relative en compétitivité exportatrice ? Sans réforme logistique, montée en gamme industrielle et politique d’exportation agressive, le pays restera durablement distancé par des économies certes plus vulnérables, mais disposant d’un avantage géoéconomique décisif : la rente pétrolière. Noël Ndong |