Les Dépêches de Brazzaville



Coopération avec l'Afrique: une France à l'écoute ?


Pour son deuxième déplacement officiel en Afrique centrale, après celui de juillet dernier au Cameroun, le président français visite le Gabon, l’Angola, le Congo et la République démocratique du Congo. Le dossier de presse présente le calendrier de ce périple étape par étape. Pour le séjour éclair au Congo, ce 3 mars, on note l’entretien en tête-à-tête entre le chef de l’Etat français et son homologue congolais, Denis Sassou N’Guesso. Un accent particulier est aussi mis sur la rencontre à la Case de Gaulle, résidence de l’ambassadeur de France, avec la communauté française.   

Dans le discours qu’il a prononcé le 27 février à l’Elysée, en rapport avec son voyage, Emmanuel Macron a dévoilé les grandes lignes du nouveau partenariat que son pays entend nouer avec l’Afrique, continent « pluriel » pour lequel le régime du cas par cas importe toujours plus que celui de la globalisation quand on veut s’adresser à la cinquantaine d’Etats qui le constituent. On peut d’entrée de jeu saluer l’exigence d’humilité que le chef de l’Etat français a fait sienne dans son allocution. « Le temps passé sur le continent africain est irremplaçable. J’y ai effectué dix-sept déplacements, été accueilli dans vingt-et-un pays… J’en retirerai une seule exigence, celle de faire preuve d’une profonde humilité face à ce qui se joue sur le continent africain », a-t-il indiqué.

Des atouts indéniables

 Liée au continent par l’histoire, la France est de loin l’une des anciennes puissances coloniales dont la présence, après les années d’indépendance, en 1960, reste la plus visible. Ses entreprises, nombreuses sur le continent, opèrent dans les secteurs clés de la finance, des hydrocarbures, des télécommunications et des services publics. Une forte communauté française composée de coopérants, d’hommes d’affaires et de diplomates. Selon le Quai d’Orsay, l’Afrique est le « troisième continent de destination des Français à l’étranger ». La France dispose de bases militaires au Gabon, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, à Djibouti et dispose de troupes au Niger et au Tchad. Elle jouit d’une influence considérable distillée par ce puissant outil de communication qu’est la langue parlée dans une vingtaine de pays africains.

En tant que témoin de cette histoire qu’elle a contribué à édifier aux côtés de ses ex-colonies, la France a aussi le privilège moral dans les instances internationales de parler de l’Afrique comme un continent qu’elle connaît bien. Ce construit historique est bien évidemment le côté complexe de cette relation que les changements intervenus dans le monde au début des années 1990, avec la chute du mur de Berlin, ont exacerbé. Au moment du délitement et de la dislocation de l’ex-Union soviétique, la partie « gagnante », représentée par l’Occident, avait pris l’initiative de la démocratisation du reste du monde. Elle y est parvenue sans apporter aux pays embarqués dans cette dynamique l’aide nécessaire pour consolider les fondements de cette nouvelle aventure institutionnelle.

Le péché des expéditions punitives

Bien au contraire, l’écart s’est accentué et a continué à se creuser entre le Nord et le Sud. L’euphorie des premières années de l’ouverture démocratique s’est peu à peu consumée, laissant la place à l’enchaînement de violences sociopolitiques qui ont fini par déstabiliser des régions entières du continent. Les crises vécues dans beaucoup de pays africains au nom de l’établissement de la démocratie, les interventions militaires conduites sur le continent par les puissances occidentales, parmi lesquelles la France, ont créé un effet boomerang qui explique en partie le sentiment de rejet de la présence militaire étrangère sur le continent. 

« Nous sommes dans une position qui ne va pas dans la bonne direction. Et c’est pour partie de notre faute parce que nous avons trop souvent eu une logique de rente dans notre rapport au continent africain. On a considéré que parce qu’on était la France, même quand on faisait mal, même quand on était plus cher que les autres, même quand les solutions de financement étaient moins bonnes, on allait continuer d’être pris ». Cet extrait de l’allocution du président français, le 27 février, témoigne non seulement un courage politique, mais il met en lumière le fait que Paris est parfaitement conscient des nouveaux engagements qu’il doit prendre pour relancer ses liens avec l’Afrique. « L’Afrique est devenue une terre de compétition », que si ! Les besoins des Etats sont si forts en matière de développement qu’une compétition saine, dans laquelle le meilleur est pris, ne ferait pas mal à l’Afrique.

Une coopération gagnant-gagnant

La France, les Etats-Unis, la Chine, la Russie, l’Inde, la Turquie, le Japon, l’Allemagne, l’Italie, le Canada, la Grande-Bretagne, etc., sont autant de partenaires avec lesquels les pays africains doivent consolider leurs liens tout en fortifiant les relations sur le continent car il existe sur place une expertise susceptible de soutenir et faire fructifier les investissements infra-africains. A ce jour les échanges dans la zone-franc ne représentent que 0,6%. Ce qui pourrait nuire à l’Afrique c’est de voir les puissances extérieures reporter leurs inimitiés et leurs rivalités sur le continent et chercher à le coopter. L’on constate, fort heureusement, que les choses changent.

En quête de développement, l’Afrique n’a le choix que pour un partenariat gagnant-gagnant. Le président Emmanuel Macron l’a bien compris quand il met en exergue « les atouts à faire valoir » par son pays. « La force d’innovation de nos PME, notre recherche et notre excellence scientifique, nos universités, notre formation militaire, nos artistes, nos sportifs, nos jeunes qui s’engagent dans le volontariat, et parmi eux…. Nos diasporas », estime-t-il.

La France a un fort potentiel et ne devrait pas laisser s’envoler une telle opportunité. A condition de faire preuve d’humilité, d’être à l’écoute des autres et respectueuse de leurs choix de développement. En revanche, l’Afrique aurait tort de désigner continuellement autrui comme étant l’auteur de ses malheurs vrais ou supposés.


Gankama N'Siah

Légendes et crédits photo : 

Les présidents Denis Sassou N'Guesso et Emmanuel Macron en conversation; La route de la corniche à Brazzaville