Les Dépêches de Brazzaville



COP 26. Arlette Soudan-Nonault : « A Glasgow, le président Sassou N’Guesso mettra les pays industrialisés devant leurs responsabilités »


Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B) :   Du 31 octobre au 12 novembre 2021 se tiendra, à Glasgow, la 26e Conférence des parties à la Convention cadre des Nations unies sur les Changements climatiques. Où en êtes-vous avec les préparatifs ?

Alerte Soudan-Nonault (A.S-N) : Les chefs d’État et de gouvernement de la CCBC ont, en quelque sorte, clôturé la phase préparatoire de la COP 26 avec la tenue du sommet de la CCBC à Brazzaville, les 29 et 30 septembre 2021.  Les documents préparés pendant plus d’une année par les experts, les points focaux et les ministres à travers différentes réunions tenues en présentiel ou par visioconférence leur ont été soumis.

La COP 26 de Glasgow représente pour la République du Congo et la CCBC une phase cruciale. Nous avons donc insisté sur les préparatifs en collaboration avec le ministère britannique en charge de l’Environnement qui nous a beaucoup accompagnés. Hormis les documents techniques et stratégiques, nous avons obtenu un focus spécial dédié au Bassin du Congo à la COP 26, un pavillon de 100 m2, ainsi que des rendez-vous du chef de l’Etat et président de la CCBC avec les grands partenaires et ses homologues pour discuter de la problématique du Bassin du Congo.  Nous avons également réglé la participation du Congo et de la CCBC au crédit carbone, mais aussi la délivrance des accréditations aux délégations et organisations non gouvernementales qui avaient des dossiers conformes.

Tout est prêt, il nous reste plus que la participation.

L.D.B :  Quelles sont les thématiques de la COP 26 de façon générale ?

A.S-N : Cette 26e COP de la CCNUCC revêt un enjeu très politique, car elle rappelle les recommandations très partiellement suivies d’effet de l’Accord de Paris actuellement considérées comme urgence à travers les cinq points suivants :

-       Présenter des plans concrets ambitieux de réduction des gaz à effet de serre à l’horizon 2030 pour tenter de limiter le réchauffement climatique ;

-       Régler les points en suspens depuis la COP21 afin de mettre pleinement en œuvre l’Accord de Paris ;

-        Tenir les promesses faites aux pays en voie de développement dans le cadre du Fonds vert pour le climat ;

-       Proposer de nouvelles solutions d’adaptation et le renforcement de la résilience au changement climatique ;

-       Dévoiler un plan à plus long terme concret pour décarboner l’économie mondiale et atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2030.

L.D.B : Avant d’aller à la COP 26, le Congo a validé sa contribution déterminée nationale (CDN) ; quelle est l’importance de celle-ci ? Tous les pays de la CCBC ont-ils révisé leurs CDN ?

A.S-N : La République du Congo a toujours respecté ses engagements vis-à-vis de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques. La révision de la CDN qui a été réalisée avec l’appui du PNUD et approuvée par le Conseil des ministres du 27 octobre 2021, sous l’autorité du président de la République, est une exigence de la CCNUCC qui recommande aux Etats membres de réviser leurs CDN tous les cinq ans dans le cadre de l’initiative Promesse climat.

Celle de la République du Congo a été fondée sur les données des inventaires de gaz à effet de serre (GES) réalisés dans le cadre de la troisième communication nationale (TCN) sur les changements climatiques qui a mis en évidence les principaux secteurs émetteurs de GES et/ou puits de GES au Congo. Elle s’appuie sur cinq piliers qui portent sur : la gouvernance, l’atténuation, l’adaptation, le MRV et le financement, suivant un processus inclusif et transparent.

Les pays membres de la CCBC ont généralement procédé à la révision des leurs, puisque les projets qui découlent ont été inscrits dans le plan d’investissement du Fonds bleu.

L.D.B : Qu’est-ce que les tourbières ? Feront-elles l’objet de débats à Glasgow ?

A.S-N : Les tourbières sont des écosystèmes particuliers, relevant de la catégorie des zones humides formées pendant les temps géologiques par l’accumulation de la matière organique d’origine végétale dans les milieux marécageux.  Ce sont donc des puits de carbone que l’humanité est appelée à préserver et à gérer de façon durable car leur combustion produit des émissions énormes de CO2 dans l’atmosphère.

Les tourbières localisées à cheval entre la République du Congo et la République démocratique du Congo, dans la zone du lac Télé et du lac Tumba, sont les plus importantes au monde. Elles représentent trois fois la superficie de la Belgique et contiennent 31 milliards de tonnes de carbone, soit l’équivalent de quinze à vingt ans d’émissions de gaz à effet de serre des Etats-Unis, et trois ans de la planète.

Selon les récents travaux des chercheurs de l’Université de Leeds, partenaire du ministère de l’Environnement, du Développement durable et du Bassin du Congo, dont la présentation finale des résultats du projet CongoPeat à Brazzaville interviendra en 2023, la nouvelle cartographie des tourbières nous donne une superficie de 165 560 Km2 au lieu de 145 500 Km2. C’est donc une ressource inépuisable de carbone.

Vu leur importance, les tourbières du Bassin du Congo seront au cœur des négociations à la COP 26 de Glasgow car sans leur prise en compte, nous ne pouvons atteindre les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat qui exige que tout soit mis en œuvre pour que la hausse de température de la planète ne dépasse pas 2°C.

L.D.B : Irez-vous à Glasgow pour faire la politique pour la politique ou mettrez-vous les pieds dans le plat ?

A.S-N : Hier, nous avions pris part aux négociations sans avoir des outils qui pouvaient permettre à nos interlocuteurs de nous accompagner de façon objective. Aujourd’hui, l’Afrique s’est dotée d’un outil de finance climatique exceptionnel qui est le Fonds bleu, dont le mécanisme de gouvernance et de gestion des projets des Etats répond aux normes internationales.

Nous n’allons donc pas faire la politique pour la politique comme vous semblez le dire, mais nous allons cette fois-ci demander aux bailleurs et à la communauté internationale de tenir leur promesse vis-à-vis des pays en voie de développement, particulièrement des pays africains vulnérables aux changements climatiques.

L.D.B : Quelle est la superficie du stand et du bureau de la CCBC à Glasgow ; avez-vous obtenu les fonds nécessaires pour la location de l’espace ?

A.S-N : Avec l’appui des partenaires et du ministère en charge de l’Environnement de la Grande-Bretagne avec qui nous avons eu un cadre de travail préparatoire de la COP 26, nous avons obtenu un pavillon de 100 m2, composé d’une salle de réunion, d’un salon de réception des chefs d’Etat, d’un espace de stockage et d’un espace d’exposition et d’accueil. Ce pavillon est celui de la CCBC dont la République du Congo assure la présidence et la coordination. 

Tous les Etats membres abriteront leurs activités sur ce stand qui leur est dédié.

L.D.B : Quel sera le message du Congo à la COP ?

A.S-N : Il est temps de tourner les regards vers le Bassin du Congo, deuxième poumon écologique mondial représentant plus de 10% de la biodiversité mondiale et première réserve de carbone au monde. Il n’y a donc pas d’accord de Paris sans la prise en compte effective de la problématique du Bassin du Congo.

C’est pourquoi, la République du Congo et les autres pays de la CCBC se sont constitués en rang de bataille pour défendre cette cause à la COP 26, non seulement pour le bien-être de la population africaine mais également pour la sauver la planète.

Le président Denis Sassou N’Guesso, lui-même, sera le porte-étendard de cette problématique à Glasgow en tant que premier écologiste de la région et il compte bien mettre les pays industrialisés devant leurs responsabilités.  L’inestimable service écosystémique que le Bassin du Congo rend à la planète ne pourra pas éternellement demeurer un service gratuit et nous n’acceptons pas l’idée de renoncer à notre développement juste pour que le monde puisse respirer de l’air pur. Les pays du Nord doivent construire avec nous un agenda commun en soutenant nos efforts de conservation de façon concrète et en nous garantissant un accès équitable et régulé au marché de la compensation carbone.

Fort de son mécanisme de développement transparent et opérationnel, ainsi que de ses quelque 280 projets de développement locaux et durables issus des CDN de ses seize pays membres, le Fonds bleu pour le Bassin du Congo offre aux grands bailleurs de fonds, qui sont aussi les responsables du réchauffement climatique, l’occasion unique de compenser les efforts que nous faisons pour l’humanité en préservant nos forêts et nos tourbières.  Mais ils doivent le faire sans tarder et sans conditions.  Nous avons suffisamment perdu de temps en palabres inutiles.


Propos recueillis par Bruno Okokana

Légendes et crédits photo : 

La ministre Arlette Soudan Nonault