Les Dépêches de Brazzaville




Couleurs de chez nous : les solitaires


Autant, il nous a plu de brosser le portrait de la femme congolaise prise sur quatre générations, autant il nous semble logique de poser un regard sur un genre de Congolais dont le mode de vie tranche avec ce qui est communément admis chez nous. De façon générale, le Congolais vit en couple avec des enfants. Ceux qui sont nés au milieu du siècle dernier s’engageaient même très tôt dans la vie sentimentale. À vingt ans, le Congolais des années 1930, 1940 ou 1950 était un homme accompli avec femme(s) et enfant(s). L’écart entre le père et le premier enfant se situait entre 18 et 22 ans. Même ceux nés à partir des années 1970 ont hérité de cette logique bien que, pour eux, le marché de l’emploi fût plus ou moins fermé. Ils savaient prendre ce risque de gérer une femme et un enfant. À l’époque, cet engagement a été vite perçu comme un signe de responsabilité.

Or, depuis quelque temps, la tendance est à la grande abstinence. Nombreux sont ces jeunes hommes de 30 ans ou plus qui n’ont ni partenaire connue ni enfant. On pourrait bien explorer les causes et pérorer à souhait mais l’évidence est là. Un statut qui colle même à ceux qui ont la chance de travailler et de gagner un revenu conséquent. La vie de couple fait-elle tant peur ?

À l’époque, ceux qui repoussaient l’échéance conjugale évoquaient leurs conditions de vie difficiles ne permettant pas de supporter certaines charges. Aujourd’hui, nos jeunes frères n’ont pas assez d’arguments pour justifier leur option pour un célibat à durée indéterminée assorti de cette intention de refus de devenir père.

Et pour corroborer nos observations émises dans le portrait de la Congolaise des années 1990, nombre de solitaires ont comme argument phare « le comportement des femmes d’aujourd’hui » qui ne les rassure pas. Un comportement que nous avons déjà décrit (voir la Congolaise 4 dans les éditions précédentes).

Devant les incertitudes qui guettent la vie conjugale, certains préfèrent cibler les « sœurs en Christ », ces femmes que l’on dit « vertueuses » pour avoir remis leur vie entre les mains de Dieu. Reste à savoir si les choses marchent comme le souhaitent ces nouveaux Congolais.

Alors qu’elles croyaient être les seules à subir le célibat, les femmes constatent avec joie que les hommes aussi peinent à trouver des « âmes sœurs ». D’où cette boutade en lingala : « Mibali ba tuli » pour se moquer de ces loups solitaires que sont ces vieux garçons sans femme et enfant. « Si la décision de se marier ne nous revient pas, ce n’est pas le cas pour les hommes », arguent certaines femmes sur les antennes des radios ou les plateaux de télévision lors des émissions participatives.

Pour finir : le célibat des hommes devient si contagieux et préoccupent les églises qui en ont fait des sujets de prédication et des thèmes de séminaires. Les affiches, banderoles et messages de sensibilisation que ces églises véhicules donnent la mesure du phénomène./-    

 

Van Francis Ntaloubi