Les Dépêches de Brazzaville



Cour européenne des droits de l’Homme : la requête de la RDC jugée irrecevable


La RDC était actionnaire minoritaire dans une société minière de droit zaïrois qui fut liquidée au cours des années 90. En 2005, la RDC s’était constituée partie civile dans une procédure pénale menée à l’encontre de plusieurs personnes et de plusieurs sociétés commerciales pour usage de faux. Elle a ainsi demandé au tribunal de première instance de Bruxelles de lui accorder une indemnisation pour le dommage qu’elle estimait avoir subi. En 2006, le tribunal de première instance s’est déclaré partiellement incompétent concernant la demande de constitution de partie civile et a déclaré prescrites les autres demandes civiles formulées par celle-ci. La RDC a fait opposition, puis a interjeté appel. En 2017, la Cour d’appel de Bruxelles a conclu à la prescription de l’action civile introduite par la RDC. Cette dernière s’est pourvue en cassation, se plaignant de la motivation de la juridiction d’appel. L’année suivante, la Cour de cassation a rejeté son pourvoi.

Décision de la Cour

Dans sa décision rendue le 29 octobre dans l’affaire RDC  et Belgique, la Cour européenne des droits de l’Homme a déclaré, à la majorité, la requête irrecevable. Cette décision est définitive. Dans cette affaire, rappelle la CEDH, invoquant les articles 6 et 1 (droit à un procès équitable) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention, la RDC se plaignait de la motivation des arrêts de la cour d’appel de Bruxelles et de la Cour de cassation concernant le point de départ de la prescription de l’action civile qu’elle avait intentée devant les juridictions civiles belges.

Dans sa décision, la CEDH a estimé que, même si la requête a été introduite par la RDC, il ne s’agit pas d’une requête interétatique au sens de l’article 33 de la Convention, ce mode de saisine étant réservé aux « hautes parties contractantes », dont la République démocratique du Congo ne fait pas partie. « La question se pose donc de savoir si la République démocratique du Congo peut être assimilée à l’une des catégories de requérants autorisés à saisir la Cour d’une requête individuelle aux termes de l’article 34 de la Convention. La Cour précise tout d’abord que la République démocratique du Congo n’est pas une personne physique, ni un groupe de particuliers. Elle analyse ensuite si la République démocratique du Congo peut être assimilée à une organisation non gouvernementale. Elle rappelle qu’elle a défini les "organisations gouvernementales" par opposition aux "organisations non gouvernementales", comme des personnes morales qui participent à l’exercice de la puissance publique ou qui gèrent un service public sous le contrôle des autorités », peut-on lire dans la décision.

Requête incompatible « ratione personae »

La CEDH a ainsi affirmé qu’il y avait lieu de prendre en considération le statut juridique de la personne morale et, le cas échéant, les prérogatives qui lui sont données, la nature de l’activité qu’elle exerce et le contexte dans lequel s’inscrit celle-ci, ainsi que son degré d’indépendance par rapport aux autorités politiques. Par ailleurs, explique-t-on, la CEDH a déjà jugé que les autorités décentralisées de l’État qui exercent des fonctions publiques ne peuvent introduire une requête devant les organes de la Convention car, quel que soit leur degré d’autonomie, elles exercent une partie de la puissance publique et leurs actes ou omissions engagent la responsabilité de l’État en vertu de la Convention. « Par conséquent, la République démocratique du Congo ne saurait être considérée comme une « organisation non gouvernementale » au sens de l’article 34 et elle ne relève donc d’aucune des trois catégories énoncées à l’article 34 de la Convention. La requête est donc incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention et est rejetée », indique la CEDH. La Cour européenne des droits de l’Homme a été créée à Strasbourg par les États membres du Conseil de l’Europe en 1959 pour connaître des allégations de violation de la Convention européenne des droits de l’Homme de 1950.


Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Une vue de la Cour européenne des droits de l'Homme