Les Dépêches de Brazzaville



Différend RDC-Ouganda : de nouvelles audiences de la Cour internationale de justice


La CIJ, organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies (ONU), tiendra des audiences publiques sur la question des réparations en l’affaire des activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo VS Ouganda), du mardi 20 au vendredi 30 avril, au Palais de la paix, à La Haye, où la Cour a son siège, indique la CIJ.

En raison de la pandémie actuelle de covid-19, explique la Cour, les audiences se dérouleront sous forme hybride : certains des membres de la Cour y participeront en personne dans la grande salle de justice, tandis que d’autres y prendront part à distance par liaison vidéo. Les représentants des parties à l’affaire et les experts désignés par la Cour participeront soit en personne, soit par liaison vidéo. Les directives à l’intention des parties concernant l’organisation d’audiences par liaison vidéo sont publiées sur le site Internet de la Cour. Les membres du corps diplomatique, les médias et le public pourront suivre les audiences en direct sur le site Internet de la Cour, ainsi que sur UN Web TV, la chaîne de télévision en ligne de l’ONU.

En octobre 2020, la CIJ avait désigné quatre experts dans l’affaire des activités armées de l’Ouganda sur le territoire de la RDC. Par ordonnance en date du 8 septembre 2020, la Cour avait  décidé de faire procéder à une expertise au sujet de certains chefs de préjudices allégués par la RDC, à savoir les pertes en vies humaines, la perte de ressources naturelles et les dommages causés aux biens, et de désigner à cet effet quatre experts indépendants : Mme Debarati Guha-Sapir, de nationalité belge; Michael Nest, de nationalité australienne ; Geoffrey Senogles, de nationalité britannique et Henrik Urdal, de nationalité norvégienne. Ces experts, selon l’ordonnance de la CIJ, ont été chargés déterminer les réparations que l’Ouganda devra verser à la RDC au titre du préjudice découlant du manquement par cet Etat à ses obligations internationales, tel que constaté par la Cour dans son arrêt  de 2005.

La Cour avait déclaré poursuivre l’examen de l’ensemble des demandes et moyens de défense concernant les chefs de préjudice avancés par le demandeur. S’agissant de certains d’entre eux, à savoir les pertes en vies humaines, la perte de ressources naturelles et les dommages aux biens, la Cour avait estimé néanmoins qu’il y avait lieu de faire procéder à une expertise, conformément au paragraphe 1 de l’article 67 de son Règlement…».  La CIJ avait confié mandat aux experts d’établir un rapport écrit contenant leurs conclusions qu’ils déposeront au Greffe. La Cour avait également fait savoir que ce rapport sera communiqué aux parties, auxquelles sera donnée la possibilité de présenter des observations en application du paragraphe 2 de l’article 67 du Règlement. La CIJ avait précisé que la décision de faire procéder à une expertise ne préjuge en aucune façon du montant des réparations dues par l’une des parties à l’autre, ni de toute autre question ayant trait au différend porté devant elle, et laisse intact le droit des parties d’apporter des preuves et de faire valoir leurs moyens en la matière, conformément au statut et au règlement de la Cour.

A propos de l’affaire

Le 23 juin 1999, la RDC avait déposé au greffe de la CIJ des requêtes introductives d’instance contre le Burundi, l’Ouganda et le Rwanda « en raison d’actes d’agression armée perpétrés en violation flagrante de la Charte des Nations unies et de la Charte de l’Organisation de l’unité africaine ». Outre la cessation des actes allégués, la RDC a demandé l’obtention d’une réparation pour les actes de destruction intentionnelle et de pillage, ainsi que la restitution des biens et ressources nationales dérobés au profit des États défendeurs respectifs.

L’Ouganda a déposé, par la suite, un contre-mémoire contenant trois demandes reconventionnelles. Par une ordonnance du 29 novembre 2001, la Cour a décidé que deux de ces demandes reconventionnelles (actes d’agression que le Congo aurait commis à l’encontre de l’Ouganda ; attaques visant les locaux et le personnel diplomatique ougandais à Kinshasa ainsi que des ressortissants ougandais, dont le Congo serait responsable) étaient recevables comme telles et faisaient partie de l’instance en cours. Elle a également prescrit la présentation d’une réplique par le Congo et d’une duplique par l’Ouganda portant sur les demandes des deux parties dans l’instance en cours.

Arrêt de fond de la Cour

Après avoir tenu des audiences publiques en avril 2005, la Cour a rendu son arrêt au fond le 19 décembre de la même année. Ayant conclu que l’Ouganda était une puissance occupante en Ituri à l’époque, la Cour a indiqué qu’il se trouvait, en tant que tel, dans l’obligation, énoncée à l’article 43 du règlement de La Haye de 1907, de prendre toutes les mesures qui dépendaient de lui en vue de rétablir et d’assurer, autant qu’il était possible, l’ordre public et la sécurité dans le territoire occupé en respectant, sauf empêchement absolu, les lois en vigueur en RDC. Cela n’avait pas été fait. La Cour a également considéré qu’il existait des éléments de preuve crédibles suffisants pour conclure que les troupes des UPDF (Uganda people’s defence forces) avaient, de manière générale, commis diverses violations du droit international humanitaire et du droit relatif aux droits de l’homme. La Cour a estimé que ces violations étaient attribuables à l’Ouganda.

La CIJ a indiqué dans son arrêt que la question de la nature, de la forme et du montant de la réparation que chacune des parties devait à l’autre était réservée et ne lui serait soumise que si les parties ne parvenaient pas à un accord fondé sur l’arrêt qu’elle venait de rendre.

Négociations RDC-Ouganda

Après le prononcé de l’arrêt, les parties ont informé régulièrement la Cour de l’état d’avancement de leurs négociations. Le 8 septembre 2007, les présidents ougandais et congolais ont conclu un accord de coopération bilatérale, dont l’article 8 prévoit la création d’un comité ad hoc, chacune des parties devant désigner au plus sept de ses membres, chargé d’examiner l’arrêt rendu par la Cour et de faire des recommandations concernant la réparation. Lors d'une réunion tenue le 25 mai 2010 à Kampala (Ouganda), les deux Etats ont nommé leurs membres respectifs du comité ad hoc et sont convenus que celui-ci adopterait un plan de travail ainsi que des règles de procédure et qu’il fixerait les délais d’achèvement de ses travaux. En outre, la RDC avait présenté à la délégation ougandaise un document dans lequel elle fournissait une évaluation du préjudice qu’elle avait subi. En septembre 2012, les deux parties ont conclu un accord établissant un plan de travail pour la présentation des éléments de preuve concernant leurs réclamations respectives.

Echec des négociations et retour à la CIJ

Le 13 mai 2015, estimant que les négociations menées à ce sujet avec l’Ouganda avaient échoué, la RDC a demandé à la Cour de fixer le montant de la réparation due par celui-ci. Bien que l’Ouganda ait fait valoir que cette demande était prématurée, la Cour a constaté, dans une ordonnance du 1er juillet 2015, que si les parties avaient effectivement cherché à s’entendre directement sur la question, il était manifeste qu’elles n’avaient pas pu parvenir à un accord. Elle a dès lors fixé au 6 janvier 2016 les délais dans lesquels les parties devront déposer leurs pièces de procédure écrite sur la question des réparations. Dans des ordonnances du 10 décembre 2015, du 11 avril et du 6 décembre 2016, ces délais ont été reportés au 28 avril 2016, au 28 septembre 2016 et au 6 février 2018, respectivement. Mais, le 13 novembre 2019, la Cour avait décidé de reporter les audiences publiques, en tenant compte de la demande conjointe formulée à cet effet par les parties dans une lettre datée du 9 novembre 2019.


Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Photo - Les présidents congolais, Félix Tshisekedi et ougandais, Yoweri Museveni Photo 2- Vue d'une audience de la CIJ