Les Dépêches de Brazzaville



Expo-2015 Milan : une vitrine de cette Afrique qui mue


Sans être insolite, l’information avait quand-même de quoi intriguer : vendredi dernier, le pape François a reçu au Vatican le comité organisateur de l’exposition universelle de Milan. Mais cet exécutif était conduit par le cardinal de la capitale économique italienne, Angelo Scola. La démarche n’est pas courante, et le Vatican l’a bien compris qui a fait suivre cette audience du pape d’un communiqué expliquant le pourquoi du comment.

Il s’est agi, a précisé le porte-parole du Saint-Siège, le père Federico Lombardi, de souligner que l’Église catholique était partie prenante de cette manifestation qui ne relève pas a priori de sa sphère habituelle d’activité. Le Vatican est en phase avec les organisateurs qui ont retenu pour thème de cette exposition « Nourrir la planète, énergie pour la vie ». C’est ce qui explique que la délégation reçue par le pape ait compté aussi, outre l’archevêque de Milan, le « ministre » de la Culture du Vatican, le cardinal Gianfranco Ravasi.

Le pape devait d’ailleurs préciser dans son mot de circonstance que cette exposition, par son ambition de rassembler des hommes et des femmes de toutes conditions autour du thème de la lutte contre la faim et pour un environnement sain, ne pouvait cantonner l’Église dans un rôle de simple observatrice : « Ce pourrait être, souligna le souverain pontife, une formidable occasion pour les jeunes de trouver du travail, notamment dans les projets de coopération ».

Expo-2015 se veut donc le levier d’une coopération que l’Italie envisage avec l’Afrique innovante placée en son centre. Pour la ministre des Affaires étrangères, Emma Bonino, il n’y a pas de doute : au sortir de cette exposition (qui s’ouvrira le 1er mai 2015 et tiendra portes ouvertes jusqu’au 31 octobre), la perception que les Italiens ont du continent africain devra avoir changé. Elle a fait part de sa volonté de transformer cette conviction en actions lors de l’étape ivoirienne d’une tournée africaine qui l’a conduite au début de ce mois au Ghana, au Sénégal, en Sierra Leone et, donc, en Côte d’Ivoire.

Dans ce dernier pays, elle a salué un renouveau très emblématique de cette Afrique qui veut tourner la page d’une vision séculaire de déchirements et de misères. L’Afrique d’aujourd’hui est celle qui veut miser avec l’Italie sur « les petites et moyennes entreprises alimentaires, ensemble avec une volonté de relance des infrastructures qui évitent l’urbanisation excessive. J’ai éprouvé un réel plaisir à entendre que cette volonté n’écarte pas l’établissement de réseaux ferroviaires sur des bases régionales, avec une attention nouvelle sur l’impact sur l’environnement », s’est réjouie la ministre au sortir d’un colloque avec son collègue ivoirien Kofi Diby.

La Côte d’Ivoire vient à l’exposition de Milan avec un projet innovateur portant sur le cacao. Elle est partenaire du Ghana en cela. Pour l’Italie, il s’agit d’intégrer à l’ambitieuse Initiative Italia-Africa de coopération nouveau style, les sept à huit pays qui tirent la croissance économique africaine vers le haut aujourd’hui, et de faire le constat des choses qui bougent réellement. « Cessons de penser à l’Afrique comme à un continent des seules difficultés. Nous devons renforcer les pays qui ont des institutions solides et dans lesquels les droits civils vont de pair avec la bonne gouvernance », a-t-elle indiqué.

Abolition de la peine de mort, égalité entre les hommes et les femmes d’Afrique devant la loi, lutte contre l’impunité dans les cas d’assassinat et/ou de viol, etc. entrent désormais dans un tableau général retenu par la coopération italienne comme feuille de route des politiques bilatérales de développement désormais. « Il n’y a pas de réel développement sans justice », est-il réaffirmé à La Farnesina, le ministère italien des Affaires étrangères. Rome pointe aussi, beaucoup, sur la femme africaine dont le travail, pourtant essentiel « pour tenir le continent debout » peine à trouver la ferme reconnaissance et l’appui décidé des donateurs.

C’est pourquoi, toujours en lien avec l’exposition universelle à venir, il a été lancé à Milan un groupe de lobbying pour les femmes dans le développement, Women for Expo. Pour Emma Bonino, s’il n’y a « pas de doute que des progrès ont été accomplis, que la perception de la femme est en train de changer même en Afrique, il reste que beaucoup doit encore être fait pour leur éducation. Le chemin de l’égalité des sexes est encore long », a averti la ministre, elle-même une passionaria reconnue de la cause de la femme dans le monde. « L’instruction de la femme sera le moteur du développement de tout le continent africain», affirme-t-.elle.

S’appuyant sur les données de la Banque mondiale, l’Italie souligne aujourd’hui qu’elle va soutenir en priorité l’activité de développement de l’Éthiopie, du Mozambique, de la Tanzanie, de la République démocratique du Congo, du Ghana, de la Zambie et du Nigeria. Ce sont, en raison de leur potentialité démographique et de leur dynamisme du moment, les sept pays qui dégageront une croissance économique de plus de 7% cette année, suivant les estimations des organisations spécialisées. À côté d’eux, il s’agira de renforcer un partenariat avec les pays traditionnels que l’Italie entend surtout appeler et reconnaître avant tout comme « partenaires effectifs ».


Lucien Mpama