Les Dépêches de Brazzaville



Fête du 14 juillet à Brazzaville : la démocratie sociale invitée à porter secours à la démocratie politique


Dans son adresse, le diplomate français a signifié que le Congo et son pays sont liés par les hommes et l’histoire et doivent tous les deux affronter d’importants défis qui exigent des remises en cause, possiblement douloureuses. « Ce retour de l’égalité éducative est la mission première que s’est fixée le ministre Pap Ndiaye, qui personnifie tellement, dans les pas de Félix Eboué, si respecté à Brazzaville, ce que la méritocratie républicaine peut faire de mieux : la promotion par le savoir et le talent, ainsi que la valorisation des différences dans l’égalité de tous devant la Nation », a déclaré l’ambassadeur de France.

Pour lui, faire reculer ce rejet croissant de la norme commune qu’est la loi, la démocratie sociale doit aussi se porter au secours de la démocratie politique. La considération, l’écoute et le respect doivent revenir au cœur de l’action publique, afin de répondre, en profondeur et en responsabilité, à la défiance et au sentiment d’abandon qui est celui d’une partie du peuple de France, désorientée par les dérives d’une mondialisation débridée et les excès d’une numérisation effrénée des services publics, mais aussi face aux impératifs d’une transition écologique désormais inévitable. « Il s’agit de définir un nouveau modèle plaçant le progrès social, la justice, le respect de l’environnement et le « vivre ensemble » au cœur d’un Pacte social refondé. Nous ne sommes pas si éloignés que cela de « la Participation » défendue en son temps, hélas sans succès, par le général de Gaulle... », a dit François Barateau.

Au Congo, a-t-il poursuivi, le défi qui paraît essentiel est celui de la diversification économique et du développement inclusif et durable, afin que ce pays « béni des Dieux » valorise pleinement ses remarquables atouts et reste maître de son destin. Le mot cardinal de ce vaste et exaltant dessein est la confiance. « Ici comme ailleurs, la consolidation de cette indispensable confiance requiert les efforts quotidiens de tous les acteurs. Les partenaires du Congo le savent bien, elle passe largement par l’amélioration concrète et durable du climat des affaires et du système judiciaire qui en est le garant, préalable premier, avec la stabilité intérieure, de l’investissement créateur d’emplois et de richesses dans l’agriculture, le tourisme vert et mémoriel, ou encore dans le corridor de transports stratégique que le Congo a la chance d’abriter et qui prendra sa pleine dimension avec la construction, enfin en vue, du pont route-rail entre Kinshasa et Brazzaville », a-t-il signifié.

A propos de ce pont, l’ambassadeur de France a rappelé que depuis plus d’une année maintenant, une dynamique, certes encore fragile, est en marche ; les choses bougent, des jalons sont posés dans la bonne direction par les autorités issues du scrutin présidentiel de mars 2021. « En sa qualité de premier partenaire du Congo, la France souhaite ardemment, par ma voix, que cet élan réformateur, unanimement salué et résolument soutenu par le Fonds monétaire international et les amis du Congo, se poursuive et s’amplifie au cours de l’année qui vient », a indiqué le diplomate français.

Le Congo peut compter sur le soutien de ses partenaires européens

François Barateau a salué aussi les avancées enregistrées simultanément dans les deux pays respectifs, dans deux domaines importants : celui des droits des femmes et leur légitime promotion dans la société, avec au Congo, l’adoption en mars dernier de la loi Mouébara contre les violences faites aux femmes, qui pourra s’appuyer sur le nouveau projet franco-européen de professionnalisation de la police et d’appui à la chaîne pénale, ainsi que sur les efforts réalisés ces derniers mois, sous l’impulsion notamment d Emilienne Raoul, pour encourager les femmes à prendre toute leur place dans le monde sans pitié de la politique. Il a parlé également de la France où il y a eu la récente nomination d’une Première ministre, Elisabeth Borne, quelque trente ans après sa prédécesseure, Edith Cresson, et l’élection, pour la première fois, d’une présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet ; puis la lutte contre le changement climatique et la protection de la biodiversité : avec les décisions de l’Union européenne d’être le premier continent neutre en carbone en 2050 et, du G7, de mettre fin dès cette année à tout financement international de projets liés aux énergies fossiles.

« Ces deux faits traduisent la totale prise de conscience de l’urgence à agir massivement qu’ordonne le dernier rapport du GIEC pour, non plus inverser nous n’en sommes hélas plus là ! mais pour seulement limiter l’impact de l’inéluctable bouleversement climatique ; et au Congo, avec la détermination farouche, et maintes fois réaffirmée au plus haut niveau de l’État, celle du président Denis Sassou N’Guesso, à défendre mais aussi, après une COP26 jugée décevante, à valoriser sur la scène internationale le véritable trésor de l’humanité que constitue le gigantesque écosystème forestier du Bassin du Congo », a déclaré le diplomate français, indiquant que le Congo peut compter sur le soutien de ses partenaires européens.

La France salue l’inscription de la rumba sur la prestigieuse liste de l’Unesco

Le diplomate français a aussi loué, après d’autres, le remarquable succès qu’a représenté pour les deux Congo la décision de l’Unesco, en décembre 2021, d’inscrire la rumba congolaise sur la prestigieuse liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. « Pour nous tous, une telle reconnaissance s’imposait, tant la rumba n’en finit pas d’apporter aux hommes et aux femmes d’Afrique et d’ailleurs ce petit brin de bonheur qui fait, tout simplement, que la vie mérite d’être vécue. Et pour s’en persuader, le groupe qui incarne littéralement la rumba congolaise, je veux bien sûr parler des « Bantous de la capitale », nous fera la joie, dans quelques instants, de nous baigner dans sa musique, à laquelle Rikky Siméon Malonga, qui nous a brusquement quittés le 1er mai dernier, a tellement apporté. Je salue sa mémoire », a conclu François Barateau en ce qui concerne les relations franco-congolaises.

Bien auparavant, le diplomate français a condamné « la décision irresponsable de la Russie de déclencher, au mépris de ses propres engagements et de tous les efforts de réconciliation menés par les uns et les autres, une guerre d’invasion dévastatrice en Ukraine, rallumant ainsi, au cœur de l’Europe, le souvenir d’horreurs croyant appartenir au passé et foulant aux pieds les fondements mêmes de l’ordre international, certes perfectibles, mais laborieusement élaborés au sortir du second conflit mondial, précisément pour éviter la réapparition de tels cauchemars». Traitant ce conflit de moyen âge, l’ambassadeur de France a dit : « En attendant le jugement que l’histoire rendra sur cette page honteuse, je veux affirmer ici, avec force, que rien, rien, dans l’Europe du 21e siècle, ne peut justifier une telle agression barbare. Rien ! »

Il a salué aussi l’engagement du président en exercice de l’Union africaine sur le conflit ukrainien, en portant haut et fort la voix d’une Afrique victime indirecte de la guerre voulue par Moscou. « Le président Macky Sall a contribué à renforcer le positionnement du continent africain et accru la légitimité de sa revendication d’être mieux représenté dans les enceintes de la gouvernance mondiale. Cet engagement d’un dirigeant africain sur un dossier européen est sans précédent », a-t-il souligné.


Bruno Okokana

Légendes et crédits photo : 

1- L’ambassadeur de France prononçant son allocution / DR 2- Une vue des invités à la Case de Gaulle / DR