Les Dépêches de Brazzaville



Gouvernement : dix nouveaux venus


À bien observer le jeu de chaises musicales, habituel dans ce genre de redistribution des cartes, ce sont dix ministres qui héritent de dix nouveaux portefeuilles. Ils peuvent être considérés comme des nouveaux. Il est vrai que ce remaniement intervient dans un contexte particulier au regard, notamment, des attentes suscitées par les suites du débat sur l’évolution ou non des institutions nationales. Mais, qui sont ces dix nouveaux-venus et qu’est-ce qui les attend dans le moment présent ?

Jean-Claude Gakosso : Il exerçait à la tête du ministère de la Culture et des arts depuis 2002. À la faveur du remaniement, il devient ministre des Affaires étrangères et de la coopération en remplacement de Basile Ikouebé. Une nouvelle fonction qui devra convertir ce féru de la culture et des beaux-arts en un habile interlocuteur du Congo au contact de la communauté diplomatique accréditée au pays, mais aussi en cet émissaire dont aura besoin le président de la République pour aller dire et faire en son nom à l’extérieur du Congo et pour les intérêts du Congo. Il laisse quelques empreintes de son passage à la Culture et arts à travers les places publiques de Brazzaville notamment où trônent des monuments érigées à la mémoire de nombreuses personnalités nationales et étrangères. Il laisse aussi le Festival panafricain de musique, dont la dernière édition, à moitié prix, venait de se dérouler au mois de juillet dernier. Son rêve de voir s’ériger un grand palais de la Culture n’a pas pu se concrétiser.

Euloge Landry Kolélas : Un vrai nouveau venu, puisqu’il entre pour la première fois au gouvernement, ce 10 août, en qualité de ministre du  Commerce et des approvisionnements. Ce poste était sous la houlette de Claudine Munari depuis 2009. D’expérience en la matière, il devra en faire preuve en regardant autour de lui, en observant ce que celle qu’il remplace à ce poste lui laisse comme bilan. Les prix homologués des denrées alimentaires et leur qualité, les importations et ce qui en retourne, la cherté des matériaux de construction, l’avenir de la foire internationale de Pointe-Noire, voilà autant de défis que devra relever Euloge Landry Kolélas, non sans, à son tour songer à organiser sa formation politique prise dans une zone de turbulences en ce moment. Pourrait-il, par exemple, si le MCDDI parvient à tenir son congrès ordinaire, s’il en prend les commandes, déléguer ensuite ses fonctions à un autre dirigeant du parti, de sorte qu’il se consacre entièrement à sa fonction ministérielle ? Son prédécesseur ne l’a pas fait, son frère Guy-Brice Parfait non plus. Ce devait, par exemple, être l’une des règles que les futures « évolutions » institutionnelles souhaitées pourraient envisager.   

Thierry Lézin Moungalla : Débatteur indéniable, il hérite d’un poste en vue dans ce moment de grande communication pourrait-on dire. La communication, les médias, les relations avec le parlement et porte-parole du gouvernement, Thierry Moungalla est à un poste à plein temps. Il avait commencé, presque tôt à défendre l’idée de faire évoluer les institutions de la République. Il n’a pas varié sa façon de considérer les événements jusqu’à maintenant. On peut faire allusion à un homme de conviction de ce point de vue. Il quitte les Postes et télécommunications où sa relation avec les opérateurs du secteur, en particulier les sociétés de téléphonie mobile, variait en fonction de la qualité du service public qu’elles offraient à leurs consommateurs. On peut se souvenir aussi, en passant, de l’arbitrage qu’il exerça il y a quelques années contre l’un de ses collaborateurs réputé intouchable. Mais c’était peut-être des rumeurs puisqu’il le fit partir montrant une certaine fermeté dans l’exercice de sa mission. Comme récemment avec le limogeage du coordonnateur du câble. Mais dans la Communication et les médias, il y a à boire et à manger.

Jean-Marc Thystère Tchicaya : Elu récemment à la tête du Rassemblement pour la démocratie et le progrès social, il est aussi, à l’instar d’Euloge Landry Kolélas, un vrai nouveau venu. En apparence, depuis le son de cloche entendu lors de la clôture du congrès de son parti contre le changement de la constitution, le principal dirigeant du RDPS a mis un peu d’eau dans son vin. Il avait pris part au dialogue national inclusif de Sibiti, laissant dire qu’en politique, il n’est pas toujours de bon aloi de faire de la rigidité le seul moyen de résoudre les contradictions. Nommé ministre des Hydrocarbures, il remplace André Raphaël Loemba. Il a pris ses fonctions presque aussitôt pourrait-on dire prosaïquement puisqu’il a été rendre ses civilités le 11 août sur le rang des ministres lorsque le président Denis Sassou N’Guesso recevait son homologue béninois, Thomas Boni Yayi. Les hydrocarbures, voilà ce sur quoi Jean-Marc Thystère Tchicaya devra consacrer ses efforts durant sa présence à la tête de ce ministère convoité et qui fait se délier beaucoup de langues au bord de l’océan comme dans tout le pays.

Hellot Matson Mampouya : Il quitte l’Enseignement primaire et secondaire pour les Postes et télécommunications. Comme son collègue Thierry Lézin Moungalla qu’il remplace, Hellot Matson Mampouya se battra sans doute pour que les services attendus des opérateurs de la téléphonie mobile par les abonnés soient les plus acceptables possibles ; que les fréquences du Congo ne soient pas malmenées par certains de ses voisins. Peut-être assistera-t-on, sous lui, à l’achèvement du processus conduisant à l’avènement du tout numérique ; l’interconnexion Congo-Gabon dans le cadre du projet câble. On ne peut pas dire, en se référant aux derniers examens d’État que le ministre ait eu la tâche aisée, notamment lorsqu’il se trouva dans l’obligation d’annuler le baccalauréat de l’enseignement général. Mais à son endroit, à celui de Jean-Marc Thystère Tchicaya, comme à celui d’Euloge Landry Kolélas, cela a été rappelé plus haut, l’effort consistera aussi à faire en sorte que la fonction gouvernementale passe avant la fonction de chef de parti. Même si, ne l’oublions pas, très bientôt, l’apport politique de chacun pourrait déterminer tout le reste.

Bienvenu Okiemy : Six ans à la tête du ministère de la Communication, des relations avec le Parlement, porte-parole du gouvernement, il est désormais ministre de la Culture et des arts. C’est comme chacun sait un domaine vaste, qui mérite toutes les attentions comme tous les autres secteurs d’activités du pays. Dans les plans architecturaux de la délégation générale aux grands travaux figure une jolie maquette de « la Cité du Fespam » prévue à Kintélé : affaire de gros sous, et aussi de temps, bien sûr. Si, tout marche bien, Bienvenu Okiemy pourrait, peut-être, vivre la construction de cette future cité en qualité de ministre de la Culture et des arts. Domaine des œuvres de l’esprit, il faut faire preuve de beaucoup d’imagination, d’optimisme et de volonté pour porter la Culture et les arts congolais à leur niveau le plus élevé sur le plan international. Les leviers ne manquent pas, à commencer par les structures dédiées à ce secteur qui sont nombreuses dans le pays.

Parfait-Aimé Coussoud Mavoungou : Ministre délégué à la Marine marchande, il devient titulaire du poste sur lequel le Congo fonde l’espoir de diversifier son économie, par ces temps où l’or noir, pose quelques problèmes au pays producteurs : les zones économiques spéciales gérées par son ancien collègue, Alain Akouala Atipault. Pour voir que ce dernier est dans une bonne disposition d’esprit malgré son départ du gouvernement la veille, il faut considérer sa présence, le 11 août sur le tarmac de l’aéroport international de Maya-Maya. Il a salué le président béninois Thomas Boni Yayi, l’hôte de son homologue congolais, Denis Sassou N’Guesso. Peut-être parce que, comme cela est révélé par la presse, Alain ne va pas chômer, puisqu’il serait pressenti comme ambassadeur du Congo en France. Passons… et revenons à Parfait. Il laisse la mer qu’il a tant servie. On l’attend sur l’implantation d’une première zone économique spéciale, puis d’une deuxième, puis d’une troisième etc. de façon à ce que le gouvernement réalise son rêve.

Anatole Collinet Makosso : De la jeunesse à la jeunesse peut-on dire. Avec, il faut l’avouer, une cour qui devient plus grande pour Anatole Collinet Makosso. Un avantage certain : le ministre de la Jeunesse et de l’éducation civique, depuis ce 10 août ministre de l’Enseignement primaire et secondaire, de la jeunesse et de l’éducation civique est un habitué du milieu juvénile. Depuis sa nomination à son poste en 2009, il s’est bien frotté aux jeunes, a multiplié des rencontres avec eux, a même, au sens positif du terme, polémiqué avec certains d’entre eux. Il lui faudra maintenant s’assurer que son premier baptême de feu, il l’aura à la rentrée scolaire prochaine. Il passera bien évidemment par la publication des examens d’État qui ne le sont pas encore. Anatole Collinet Makosso va avoir du monde à gérer. Un détour politique tout de même du côté de Pointe-Noire, chez lui pour dire qu’il se retrouve au gouvernement avec son adversaire des urnes, Jean-Marc Thystère Tchicaya. Ils se répéteront sans doute quelque chose comme « cher collègue » !

Gilbert Mokoki : Après quelques années passées comme ministre délégué chargé des Voies navigables et de l’économie fluviale, il  va officier à temps plein en qualité de ministre de la Fonction publique. Un ministère clé, quand on sait que même débarrassé de l’une de ses prérogatives, trop technique il faut dire, de « la réforme de l’Etat », ce département est au cœur de toutes les attentions. Il n’est que de voir comment s’agglutinent les fonctionnaires retraités ou non, chaque matin à son siège, sans compter les demandeurs d’emplois tout aussi nombreux que les premiers. Aux voies navigables, Gilbert Mokoki semblait mener à bien, la restauration du port autonome de Brazzaville et des ports secondaires. Il entrevoyait aussi, depuis peu, avec le groupe français Vendée internationale, l’opération de suivi hydrologique pour permettre la navigation sur plusieurs rivières secondaires bouchées faute d’entretien

Léon Raphaël Mokoko : Le décret présidentiel portant réaménagement du gouvernement a supprimé les ministères délégués. Voici donc Léon Raphaël Mokoko prendre le portefeuille entier du plan et de l’intégration. Il va désormais acter en cette qualité dans deux domaines compétitifs dans la mise en œuvre des investissements et le rapprochement des politiques d’intégration à l’échelle sous-régionale et bien au-delà. Ayant pris le pouls des événements durant son passage comme ministre délégué, son nouveau titre lui donne sans doute les coudées franches pour mettre en musique, autant qu’il le pourra, la politique gouvernementale de son secteur d’activités en la matière.

Pour les trente-cinq membres de la nouvelle équipe gouvernementale, nouveaux, comme anciens, le sacerdoce reste le même : œuvrer au développement du Congo.

 

 

 

 

 

 

 

 


La rédaction