Les Dépêches de Brazzaville



Interview. Aïcha Mena Kanieba : « Ma sculpture symbolise une femme qui éclaire toutes les autres femmes »


Aïcha Mena, costumière et chanteuse de Fulu Miziki (DR)

Le Courrier de Kinshasa (L.C.K.) : Qu’est-ce qui convient pour vous présenter ?

Aïcha Mena Kanieba (A.M.K.)  : Je suis lady Aïcha Mena Kanieba. Outre le fait que je suis chanteuse et musicienne dans Fulu Miziki, c’est moi l’artiste designer du groupe pour lequel je réalise les costumes et masques. Par ailleurs, j’ai aussi réalisé une sculpture en 2018 pour l’exposition « Kinshasa 2050 – Les femmes d’abord ! » mais mon travail actuel porte sur la performance de scène à travers le cinéma et le théâtre.

L.C.K. : Votre sculpture paraît assez spéciale. Elle est parée d’une couronne, est-ce une princesse ou une reine ? Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet  ?

Mwasi mwinda, la reine électronique, sculpture d’Aïcha (DR)

A.M.K. : Elle s’appelle "Mwasi mwinda". Je l’ai nommée ainsi parce qu’elle est électronique, symbolise une femme qui éclaire toutes les autres femmes du monde. C’est une reine électronique et non une princesse. J’ai pensé la réaliser en procédant au recyclage des pièces électroniques en référence à ce qu’est la connaissance dans notre monde actuel. Les enfants qui rêvent de l’électronique, ceux qui ont en tête de devenir ingénieurs électroniciens font preuve de curiosité. Ainsi, un enfant qui casse le téléphone de sa mère se montre déjà assez curieux car il veut à tout prix savoir ce qu’il y a à l’intérieur. Ainsi, je me suis dit qu’il serait intéressant de réaliser une sculpture qui met à portée de vue les différents éléments à l’intérieur des téléphones, caméras, tablettes, machines de toutes sortes. C’est pour donner aux enfants intéressés par l’électronique l’occasion de voir chaque pièce, circuits imprimés, fils électriques, etc., qui composent les téléphones et autres machines. À mon niveau, j’ai mis à contribution ma petite intelligence. J’envisage de placer une caméra de surveillance connectée à un satellite qui permette de filmer la vie dans la capitale Kinshasa ou dans toute la République démocratique du Congo, par exemple. Il faudrait donc des moyens conséquents pour pousser plus loin ce projet de "Mwasi mwinda", la reine électronique.  

L.C.K. : Combien de temps vous a-t-il fallu pour réaliser "Mwasi mwinda"  ? Et, comment avez-vous procédé pour vous procurer les éléments qui la constituent ?Aïcha Mena sur le podium en plein concert de Fulu Miziki (DR)

A.M.K. : Je l’ai réalisée en un mois et demi. Elle a été achevée complètement au bout de deux mois. Tous les éléments, je les ai trouvés à Kasa-Vubu, plus précisément à l’espace dénommé Koweït au marché Gambela. Certains objets dont j’ai extrait les pièces électroniques étaient neufs car l’objectif était d’avoir une sculpture mobile, qui marche. Il y a encore quelque temps, branchée à une prise d’alimentation, sa tête tournait et son corps entier s’illuminait. Mais en mon absence, la sculpture a été vandalisée. Le moteur, la pièce centrale qui permettait de le faire, a été volée. C’était la pièce la plus chère. Il suffit d’en replacer un autre et elle sera de nouveau mobile.

L.C.K. : En dehors de l’exposition à la Halle de la Gombe et avant qu’elle ne soit exposée ici au Musée où elle trône à présent, a-t-elle servi ailleurs, sur une scène, par exemple ?

A.M.K. : Oui, elle a déjà été utilisée au cinéma. Dans un film réalisé par Bill Kouélany, la commissaire de l’exposition « Kinshasa 2050 – Les femmes d’abord ! » et curatrice des femmes artistes de Brazzaville, les Ateliers Sahm.

Aïcha Mena posant à côté de Mwasi Mwinda au Musée deKkinshasa (DR)L.C.K. : Les visiteurs du musée sont souvent intrigués par "Mwasi mwinda", elle ne passe pas inaperçue. Qu’est-ce qui justifie sa présence ici  ?

A.M.K. : Sa présence au musée est en attente du développement du futur projet de caméra satellite et la protéger. C’est pour présenter le travail déjà accompli et lever des fonds, trouver du soutien auprès du Trésor public pour le réaliser parce que je suis une simple artiste. Je ne suis pas issue d’une famille nantie qui soit en mesure de m’aider en pourvoyant aux 54 000 $, selon les estimations faites, pour la suite à donner à "Mwasi mwinda". Ici, elle est protégée car des pièces de valeur ont déjà été volées et je ne voulais pas continuer à courir le risque de compromettre la suite du projet.

 

 

 


Propos recueillis par Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

1- Aïcha Mena, costumière et chanteuse de Fulu Miziki / DR 2 - Mwasi mwinda, la reine électronique, sculpture d’Aïcha /DR 3 - Aïcha Mena en plein concert de Fulu Miziki / DR 4 - Aïcha Mena posant à côté de Mwasi Mwinda au Musée deKkinshasa / DR