Interview. Cendra Yoka : « La schizophrénie, une maladie complexe et grave mais elle est traitable »
Cendra Yoka (C.Y.) : L’AIR a pour but la reconstruction des personnes victimes des violences psychologiques dans tous milieux professionnels. Elle contribue à l’évolution des questions mentales à l’échelle internationale, notamment en Europe, en Afrique. L.D.B.C. : Vous avez organisé récemment une conférence sur la schizophrénie sur le thème « En parler c’est déjà se soigner mentalement ». Quelle était la motivation ? C.Y. : Le but de cette conférence était de permettre à l’AIR de continuer dans la sensibilisation et la prévention contre ce fléau social qui nous touche tous. Parce que l’on peut avoir un frère ou une sœur qui est dans cette situation déplorable de pouvoir parler, de libérer la parole. Tout commençant par la parole, il faut informer les jeunes qui sont la relève de demain, qui sont les architectes d’un nouveau monde; sensibiliser les familles, parce que nous sommes tous les acteurs collectifs de cette cause. Avant de chercher à savoir ce que les institutions proposent, il faut que nous-mêmes puissions être conscients des premiers signaux sur cette maladie, afin de pouvoir en parler et accompagner au mieux les victimes qui sont nos parents. L.D.B.C. : Pourquoi parlez-vous de vos tribulations à de votre résilience ? C.Y. : Aujourd’hui, mon témoignage est mon outil de travail parce que je me sers de mon vécu. Je prends à bras-le-corps ce combat qui est ancré dans mon vécu, dans toutes les stigmatisations psychologiques que j’ai vécues et émotionnelles au sein de ma famille. Cela a été difficile au début car il y a trop de tabous, c’est très stéréotypé surtout dans une famille aussi large que la mienne. Mais il fallait que je me priorise, que je pense à moi. Chemin faisant, j’ai compris avec le temps et l’évolution de mes nouvelles fonctions dans le cadre social, que je devais être la voix des sans voix. Que c’est une mission tout simplement d’aider les autres. Comme je le disais dernièrement à l'occasion d'une conférence sur l’entrepreneuriat, ce n’est pas simplement de pouvoir offrir un service pour autrui mais c’est d’abord être le service pour les autres. L.D.B.C. : Y a-t-il une différence entre cette maladie et la folie ? C.Y. : Oui. La schizophrénie ne tombe pas du ciel. Il y a les premiers signaux alarmants qui peuvent être un changement de comportement agressif, des pics de colère injustifiés, des troubles de sommeil ou alimentaires. On commence à faire des choses qui sont anormales et qui interpellent forcément. Si une personne est devant la télévision et se met à courir sans raison dans la maison, à rire cela peut nous pousser à nous poser des questions. Et la folie, c’est quand malheureusement tous ces signaux, au lieu d’être pris en charge, ont été ignorés, méprisés voire aggravés par la moquerie. Cela fait entrer le sujet dans la phase de folie qui est la maladie comme le VIH et la séropositivité. L.D.B.C. : Y a-t-il un lien avec la sorcellerie ? C.Y. : La schizophrénie est une maladie de l’esprit et n’est pas causée par les esprits. Arrêtons ces croyances limitantes qui créent une véritable entorse auprès du personnel médical. C’est une maladie complexe et grave mais elle est traitable. Lorsque le patient est rapidement pris en charge, on peut rattraper les dégâts et permettre qu'il retrouve une vie normale, avec un suivi et un traitement. Mais, c’est quand on laisse faire que les choses s’amplifient pendant des mois ou des années. Et les familles ont souvent pour habitude d’aller d’abord chez les pasteurs, avant de penser aux professionnels de santé. Pourtant, l'on peut tout à fait allier science et spiritualité. L’un n’empêche pas l’autre. Propos recueillis par Achille Tchikabaka Légendes et crédits photo :Cendra Yoka/DR |