Les Dépêches de Brazzaville



Interview. Déborah Basa : « Nous estimons notre objectif atteint cette année »


La cinéaste Déborah Basa, coordonnatrice du festival Vision documentaire (DR)Le Courrier de Kinshasa (L.C.K.) : D’ordinaire organisé à la Halle de la Gombe, Vision documentaire était itinérant cette fois-ci. Avez-vous pu élargir son audience ?

Déborah Basa (D.B.)  : Cette édition, les projections ont été organisées dans trois lieux, le Centre Wallonie-Bruxelles où nous nous trouvons encore ce soir de clôture, l’Institut français où s’est faite l’ouverture et la Maison culturelle des Mwindeurs, à N’Djili. Nous sommes satisfaits de cette édition et avons été heureux d’accueillir de plus en plus de monde aux projections en soirée, surtout chez les Mwindeurs. Nous estimons notre objectif atteint cette année. Nous souhaitions atteindre la population, lui permettre d’accéder aux documentaires, aux films qu’ils n’ont pas l’habitude de voir. Cette année, nous avons une fois de plus préparé une belle sélection composée au total de vingt-trois films. Les projections étaient faites l’après-midi et en soirée; des moments très enrichissants pour tous les publics répartis sur les différents sites.

L.C.K. : Il a été fait écho du coup de cœur du public réuni chez les Mwindeurs. Pourriez-vous nous en dire un mot  ?

D.B. : (Rires) Je crois que c’est "Kilawu", une réalisation congolaise. Il s’agit d’un fou qui, du point de vue du narrateur, est un artiste parce qu’il dessine dans la rue. Ce court métrage d’Olivier Kasongo a recueilli le plus de réactions. Etait-ce parce qu’il est raconté en lingala ou le sujet abordé qui, à mon avis, est accrocheur? En dehors de la Maison culturelle des Mwindeurs, il y a aussi eu "Kiné" de la Sénégalaise Fatou Kiné, une autobiographie qui retrace son parcours, son amour pour le cinéma et raconte un tout petit peu son mariage brisé. Je crois que le public qui l’a suivi a trouvé intéressant de plonger ainsi dans son univers.

L.C.K. : Un mot sur la programmation, la République démocratique du Congo y était-elle suffisamment représentée  ?

D.B. : Non, pas du tout  ! C’est, d’ailleurs, pour cette raison que nous avons lancé un appel à ce sujet, nous avons besoin de voir plus de films congolais, en recevoir plus. Nous voulons bien accompagner les projets après le constat que les nouveaux réalisateurs ne s’intéressent pas vraiment au documentaire. Imaginez-vous que cette année, nous avons à peine aligné entre quatre ou cinq films congolais sur les vingt-trois de la programmation, c’est trop peu. Nous ressentons le besoin de faire plus de productions de films documentaires pour que le festival existe mais aussi pour pouvoir inspirer plusieurs autres personnes à réaliser des documentaires.

L.C.K. : Que faudrait-il avoir comme atouts pour être un bon documentariste dans le contexte de Kinshasa  ?The Rumba Kings, film d’ouverture de la 4e édition du Festival Vision documentaire à l’Institut français (DR)

D.B. : Dans le contexte de Kinshasa, il suffit de se connaître. Le documentaire est un genre qui relate le quotidien, permet de se dévoiler, être soi-même. Il n’en faut pas beaucoup pour faire du documentaire à Kinshasa. Parfois, tout est fait avec juste une caméra et un micro. Il suffit de tomber sur un bon personnage, un bon sujet à exploiter ou soi-même être disposé à se présenter du mieux que l’on peut face à la caméra pour se faire découvrir, et le challenge est gagné.

L.C.K. : le festival Vision documentaire a-t-il reçu des hôtes cette année ? Si oui, quels étaient-ils  ?

D.B. : Non ! Nous espérons que ce sera le cas dans les éditions à venir lorsque nous aurons des partenaires financiers. Jusque-là, ceux que nous avons nous offrent juste certaines facilités, notamment les espaces alors que les sponsors nous permettront d’accueillir des cinéastes d’ailleurs et d’organiser les choses comme nous le voudrions. C’est ainsi que nous faisons appel à tous ceux qui voudraient participer à cette belle aventure à se joindre à nous comme partenaires pour donner plus de tonus à l’univers du documentaire.

L.C.K. : Tenir un festival comme vous l’avez dit sans budget, il semble que cela tient vraiment du miracle …

D.B. : Un miracle, oui ! Si nous n’étions pas bien entourés, épaulés par des bénévoles dévoués, il y aurait eu un relâchement. Dans notre cas, nous avions travaillé avec des jeunes qui se donnaient corps et âme. Mais au-delà de cette bonne volonté qui a permis déjà de faire ce qui a pu l’être, il faut du financement si nous voulons atteindre plus de personnes, avoir un public plus large et l’étendre à d’autres provinces et ne pas se cantonner rien qu’à Kinshasa. Les besoins sont énormes mais à chaque fois, nous sommes obligés de réduire nos ambitions pour faire le festival alors que ce devrait être une fête et que pour bien fêter, il faudrait réunir tous les moyens nécessaires. Nous y travaillons et gardons espoir que les choses changent dans les années à venir.

 

 


Propos recueillis par Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

1- La cinéaste Déborah Basa, coordonnatrice du festival Vision documentaire / DR 2- "The rumba kings", film d’ouverture de la 4e édition du festival Vision documentaire à l’Institut français /DR