Interview. Ma Fulin : " Partager les responsabilités face à la crise alimentaire mondiale"Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B) : Monsieur l’ambassadeur, le monde est aujourd’hui confronté à une crise alimentaire préoccupante due à la conjonction de plusieurs facteurs. Comment votre pays s’engage-t-il dans la résolution de celle-ci ?
L.D.B : Que pensez-vous de l’opinion selon laquelle du fait de ses énormes besoins de consommation courante, la Chine accapare les céréales et par voie de conséquence exacerbe la crise alimentaire mondiale. M.F. C’est une manière de jeter la responsabilité sur autrui et cela ne fonctionne pas. Le gouvernement de mon pays attache toujours une grande importance à la production alimentaire et agricole. L’année 2021 marque la septième année consécutive où la Chine est parvenue à une production annuelle de céréales de plus de 650 millions de tonnes. En tant que premier producteur et troisième exportateur de céréales au monde, elle a réussi à nourrir un cinquième de la population mondiale en assurant un quart de la production globale avec moins de 9% des terres arables du monde. Cette réussite est en soi une contribution majeure à la sécurité alimentaire mondiale et un facteur important pour garantir la stabilité sur le marché international. Nous avons la capacité d’être autonomes pour assurer notre propre approvisionnement alimentaire, et n’avons pas besoin d’« accaparer des céréales » sur le marché extérieur. L.B.D. Concrètement quel est l’apport de la Chine dans la stabilisation du marché des approvisionnements mondiaux en produits alimentaires ? M.F. La Chine participe activement à la coopération agricole internationale. Elle est un partenaire fiable pour de nombreux pays en développement dans le domaine de la sécurité alimentaire, y compris ceux d’Afrique. Ces dernières années, la Chine a offert un total de 130 millions de dollars au programme de coopération Sud-Sud de la FAO. Elle a envoyé plus de 1 100 experts et personnel technique et formé environ 100 mille agriculteurs dans plus de 40 pays et régions du monde, dont la plupart en Afrique. Parmi tous les pays en développement, la Chine est celui qui a donné le plus de fonds, envoyé le plus d’experts et entrepris le plus de projets dans le cadre du programme de coopération Sud-Sud de la FAO. Particulièrement, elle a mené des projets d’aide alimentaire à plusieurs reprises en République du Congo, en partenariat avec le Programme alimentaire mondial (PAM). En plus, le riz hybride chinois est cultivé dans plusieurs dizaines de pays et régions en développement, avec une superficie de plantation annuelle de plus de 8 millions d’hectares. Grâce à ce nouveau type de riz hautement productif, la production alimentaire mondiale totale a augmenté de 150 millions de tonnes, ce qui permet de nourrir 400 à 500 millions de personnes de plus. L.D.B. D’après vous, quelles sont les causes profondes de la crise alimentaire actuelle ? M.F. N’oublions pas qu’après l’apparition de la Covid-19, en 2020 certains pays ont appliqué une politique financière d’assouplissement quantitatif extrême, pour répondre aux impacts de ce fléau sur l’économie domestique. Un excès de liquidité a afflué sur le marché international de produits de base y compris celui de denrées alimentaires, tirant les prix alimentaires vers le haut. Ce sont exactement ces politiques macroéconomiques non-maîtrisées qui ont semé les germes de la crise actuelle. Depuis le déclenchement de la crise ukrainienne, la pénurie alimentaire mondiale s’est aggravée. Les statistiques montrent que depuis le lancement des sanctions contre la Russie, l’Indice FAO des prix des produits alimentaires (FFPI) a augmenté de 14% en mai 2022 par rapport à celui de février. Le président en exercice de l’Union africaine et chef d’État du Sénégal, Macky Sall, a indiqué que les sanctions contre la Russie n’ont pas aidé et ne font qu’affecter l’approvisionnement alimentaire en Afrique. Comme dit un adage chinois, la nourriture constitue la première nécessité absolue du peuple et la sécurité alimentaire en est la primauté. Tenter d’utiliser la nourriture comme levier diplomatique et arme politique a des effets sur le quotidien des pays en développement. La communauté internationale en est bien consciente. Nous souhaitons que certains pays développés, en privilégiant les intérêts communs internationaux, assument leurs responsabilités et préservent la sécurité alimentaire globale. L.B.D. Un mot sur les relations sino-congolaises ? M.F. La Chine est un partenaire sûr des pays africains et du Congo. Depuis le début de la Covid-19, la Chine et le Congo ont surmonté les difficultés côte à côte, témoignant une fois de plus de leur profonde amitié et l’esprit traditionnel d’entraide et de solidarité dans les moments difficiles. Face aux défis actuels dans le domaine de la sécurité alimentaire, la Chine est disposée à travailler de concert avec le Congo à renforcer la coopération dans le domaine agricole, soutenir la mise en œuvre du Plan national de développement (PND) 2022-2026, et à l’accompagner dans la défense de ses droits et intérêts en matière de sécurité alimentaire et de développement national. Les Dépêches de Brazzaville Légendes et crédits photo :Ma Fulin, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République populaire de Chine en République du Congo |