Les Dépêches de Brazzaville



Interview. Mathieu Essango : « Le commissariat national aux comptes, c’est 40 ans au service l’audit des entreprises publiques et parapubliques »


LDB : Quand est né le CNC et quelles sont ses missions ?

M.E. : Le CNC a été institué il y a quarante (40) ans aujourd’hui, par la loi n°13/81 du 14 mars 1981, portant charte des entreprises d’État et le décret n°84/726 du 27 juillet 1984 portant statut, organisation et fonctionnement. Il est un établissement public à caractère comptable, jouissant d’une autonomie financière.

Aux termes de cette loi, le CNC est l’auditeur et commissaire aux comptes des entreprises publiques, parapubliques et établissements ou organismes bénéficiant des financements de l’Etat. Sa mission principale consiste à certifier la fiabilité, la régularité et la sincérité des informations comptables et financières de ces entités contrôlées, afin de permettre aux dirigeants et partenaires de prendre des décisions responsables.

Le CNC obéit, pour cela, aux normes internationales d’audit prescrites par l’IFAC (International Féderation of accountants), au droit comptable de l’OHADA (Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires), et aux lois et règlements applicables en République du Congo.

LDB : Quel est le bilan du CNC quarante ans après sa création ?

M.E. : Après quarante ans d’existence, le CNC jouit d’une expérience et de la compétence requise pour accomplir sa mission régalienne et de souveraineté nationale. Au cours de ces années, le CNC a audité près d’une centaine d’entités publiques et privées et produit des centaines, sinon des milliers de rapports d’opinion et de recommandations. Il a contribué à la mise en œuvre de la politique de développement des entreprises et d’assainissement de leur gestion financière.

En outre, plusieurs séminaires de formation technique, de recyclage ou de perfectionnement des cadres des entreprises se sont tenus durant cette période. Nous pouvons citer certaines réalisations, notamment : l’édition du manuel comptable des entreprises d’État : une adaptation originale inédite du droit OHADA aux entreprises d’État ; la maîtrise d’œuvre des missions spécifiques du programme d’assistance technique (PAT)- Banque mondiale ; et l’audit d’évaluation des entreprises à privatiser et beaucoup d’autres réalisations.

Ce qui justifie, aujourd’hui notre devise "l’expérience au service de l’entreprise". Aussi, notre place de doyen de cabinet dans la profession est de renommée.

LDB : Quels sont vos rapports avec les institutions étatiques et les entreprises du portefeuille public ?

M.E. : Le CNC entretient de bons rapports avec les institutions étatiques et les entreprises du portefeuille public. Cependant, il y a quand même des mises au point à faire sur la place du CNC.

Nous pouvons relever ici que les contrôles ne sont pas toujours les bienvenus dans les entités publiques, malgré le caractère obligatoire de ceux-ci. Nous voudrons tout juste rappeler que le CNC est un cabinet conseil de l’État. Les travaux d’audits et de contrôles effectués par le CNC sont destinés à aider les entités publiques à améliorer leur gestion, à suggérer les mesures et recommandations nécessaires à la prise des décisions responsables pour l’intérêt de l’entité. Par principe, le CNC ne s’ingère pas dans la gestion des entités et ne joue que le rôle de conseil dans le respect des diligences professionnelles. 

LDB : Le CNC tient-il toujours sa place avec l’arrivée des nouveaux cabinets d’audit privés ?

M.E. : Les cabinets privés ont toujours existé et le CNC travaille déjà en co-commissariat avec ces derniers, depuis de longues dates. Le CNC reste le garant de l’intérêt général. La diversification devrait améliorer la qualité des prestations. Les cabinets privés sont importants, mais on ne peut pas les laisser seuls assurer le contrôle des intérêts publics de notre économie.

Le CNC a une grande expérience, ce qui est un atout non négligeable.

LDB : Quels sont les défis de votre institution ?

M.E. : Aujourd’hui, le fonctionnement de certains établissements publics jouissant d’une autonomie financière est resté, pour l’essentiel, sans culture de contrôle.

Les défis qui s’imposent au CNC sont nombreux : de montrer l’importance des audits pour garantir le bon usage et la sauvegarde des financements publics dans toutes les entités ; de vulgariser la culture du contrôle au niveau national qui reste une préoccupation ; de faire accepter aux entités d’une certaine taille, la planification et le contrôle des commissaires aux comptes comme toutes autres activités ; et de faire accepter l’audit comme une activité normale pour une bonne gouvernance d’une entité.

La logistique devrait, enfin, être renforcée pour permettre au CNC de se déployer dans toute la République.

LDB : Le CNC a procédé au renforcement des capacités de son personnel. Peut-on s’attendre à de nouvelles réformes ?

M.E. : Nous sommes dans un domaine où les innovations interviennent souvent à cause de nouveaux risques qui surviennent et qui changent tout le temps. C’est ainsi que nous optons pour, entre autres programmes, la formation continue de nos cadres dans les domaines de l’audit et de la révision comptable en lien avec les nouvelles normes OHADA ;  l’élaboration d'un programme d’information et de conscientisation des dirigeants des entreprises et établissements publics ; ainsi que l’extension des missions d’audit légal des établissements publics à budget autonome et dans les collectivités locales.

LDB : Quel est votre dernier mot ?

M.E. : En cette période d’assèchement de ressources, une meilleure gouvernance dans les entités publiques contribuerait à réduire les déficits publics et préserver les équilibres macro-économiques du pays. Il serait impérieux que l’autorité publique prenne toutes les mesures qui s’imposent afin de faire respecter la règlementation en matière d’exercice du commissariat aux comptes dans les entités publiques dans notre pays.

Aussi, dans l’intérêt d’améliorer la bonne gouvernance et la mise en œuvre du programme de société du président de la République, toutes les entités publiques devraient s’arrimer à la culture de contrôles légaux. Le CNC devrait jouer tout son rôle dans les réformes attendues dans le secteur public.


Propos recueillis par Fiacre Kombo

Légendes et crédits photo : 

Le commissaire général, Mathieu Essango/Adiac