Les Dépêches de Brazzaville



Italie : Matteo Renzi démissionne


Les sondages s’étaient légèrement trompés en annonçant un résultat serré : dimanche soir, le “non” a plus que triomphé lors d’un référendum constitutionnel âprement défendu par le Premier ministre, Matteo Renzi. Par 60% contre 40%, plus de 46 millions d’Italiens consultés, ont rejeté la proposition d’une nouvelle constitution censée moderniser la vie politique dans la péninsule. Résultat net et sans appel : dans la nuit de dimanche à lundi, le Premier ministre ne pouvait que tirer les conclusions de cet échec.

D’autant qu’en lançant cette campagne il y a un peu plus de six mois, il avait cru bien faire en annonçant – une menace douce ? – aux Italiens que si son projet était repoussé, lui-même rentrerait « à la maison » et renoncerait à la vie politique. Par les jours qui ont suivi, M. Renzi a beau rattraper cette personnalisation présentée par beaucoup comme une gaffe, l’opposition hétéroclite s’est jetée sur l’aubaine. Elle a aussitôt fait campagne non pas sur la Constitution en révision mais sur le thème : « renvoyons Renzi à la maison ». Et la mayonnaise a pris !

Pour beaucoup d’électeurs, en effet, le référendum est apparu comme un défouloir, une manière de dire tout le mal qu’il pensait de M. Matteo Renzi, jugé « arrogant et suffisant ». Malgré le bilan plutôt positif de ses 1000 jours de gouvernement, le Premier ministre a offert sa tête, comme une quille, devenant le punching-ball d’un véritable jeu de massacre. Un jeu attisé par une opposition qui ne s’est plus recrutée sur la traditionnelle ligne de fracture gauche/droite. Même au sein du Parti Démocratique (le PD), le propre parti du Premier ministre, une fronde s’est développée.

Et tous ceux que ce véritable bulldozer a déboulonnés, parfois avec un tact d’éléphant dans une boutique de porcelaines, se sont frottés les mains pour une revanche assurée. Les anciens Premiers ministres: Enrico Letta (renversé à la Chambre en février 2014 par un Matteo Renzi, premier secrétaire du PD, rassurant jusqu’à la dernière minute avant un vote de confiance) ; Massimo d’Alema (1998-2000) sur lequel M. Renzi a gagné son surnom de « rottamatore » (celui qui envoie la vieille ferraille à la casse) ou encore l’ancien secrétaire du PD, Pier Luigi Bersani, et d’autres ont formé un « front du refus » qui a ferraillé contre son propre parti et son propre Premier ministre.

Les prochaines heures se présentent sous le signe de l’incertitude dans une Italie qui s’est réveillée littéralement coupée en deux lundi au matin. Le camp du refus, gauche et droite confondues auxquelles le Mouvement populiste des cinq étoiles, M5S, du comique Beppe Grillo a apporté une force de frappe décuplée, a pavoisé. Tandis qu’en face, une partie de la gauche restée fidèle à M. Renzi (qui est toujours, pour combien de temps ?, secrétaire du PD), avait du mal à faire entendre sa voix autour du bilan pourtant largement positif du gouvernement.

« Les Italiens ont désavoué l'Union européenne et (Matteo) Renzi », a tweeté en France la patronne du parti xénophobe, le Front national. En Hollande où les idées populistes gagnent aussi du terrain, tout comme en Grande-Bretagne, on s’est réjoui de cette défaite du projet de Matteo Renzi. On y a vu une occasion pour prôner la sortie de la monnaie unique de l’euro. Cet échec n’envoie « pas un message positif pour l'Europe, en des temps difficiles » a convenu presque fataliste Frank-Walter Steinmeier, le ministre allemand des Affaires étrangères.

C’est à peine si la victoire en Autriche d’une personnalité de gauche, Alexander Van der Bellen face à un adversaire populiste, Norbert Hofer, a atténué la désillusion causée par le rejet de la réforme de M. Renzi en Italie. Presque dans l’air du temps après le Brexit qui a sonné le retrait de la Grande-Bretagne de l’Union européenne ou la victoire d’un président de droite aux Etats-Unis, les populistes italiens ne cachaient pas leur jubilation lundi matin. « C’est notre tour. Nous sommes prêts à gouverner », a lancé le leader du mouvement xénophobe de la Ligue du Nord, Matteo Salvini.


Lucien Mpama