Les Dépêches de Brazzaville



ITIE : « la mise en œuvre a atteint la phase de la maturité », selon Florent Michel Okoko


Les Dépêches de Brazzaville : À quel niveau se situe l'ITIE au Congo?

Florent Michel Okoko : Le processus de l’ITIE au Congo est entré, en 2015, dans la huitième année de sa mise en œuvre. Celle-ci a atteint désormais la phase de la maturité et de la pérennisation de son processus. La République du Congo est à son sixième rapport. Les acquis de ce processus sont bien nombreux mais il demeure encore des défis à relever pour continuer à parfaire le processus et répondre favorablement aux exigences de la norme ITIE. Il est important de rappeler que le processus de la mise en œuvre de l’ITIE se base fondamentalement sur les déclarations certifiées des paiements des entreprises et la conciliation faite par un administrateur indépendant avec les recettes certifiées formellement identifiées au trésor public. L’administrateur indépendant doit considérer toutes les informations contextuelles justifiant les données considérées.

LDB : Le Congo a été interpellé lors du conseil d'administration de l'ITIE international tenu récemment à Brazzaville, sur ses importations de pétrole. Votre commentaire à ce sujet.

FMO : La République du Congo n’importe pas du pétrole et ne peut pas avoir été interpellé à ce sujet par le conseil d’administration international de l’ITIE.

LDB : quel bilan faites-vous de ce conseil d’administration ?

 FMO: Le 29ième conseil d’administration international de l’ITIE a connu une participation de près de 200 personnes venues des cinq continents. Cette réunion a marqué aussi la reconnaissance du leadership mené par notre pays qui possède un siège d’administrateur et représente les états francophones d’Afrique centrale et Madagascar. Le conseil d’administration a travaillé sur sa vision stratégique des trois à cinq prochaines années, sur le rapport de mise en œuvre de l’initiative, les politiques de sensibilisation, la gouvernance et la relation avec les partenaires tel que la Banque Mondiale. Dans le cadre de la mise en œuvre de l’ITIE, l’accent a été mis sur les efforts pour améliorer l’accès aux informations concernant la vente de pétrole par les compagnies pétrolières nationales.

LDB : Expliquez-vous ?

FMO : Les gouvernements attribuent aux compagnies pétrolières nationales un rôle central dans le développement et la gestion du secteur pétrolier et gazier au nom de l’Etat. L’efficacité de la gouvernance et de la redevabilité constitue donc un défi majeur. La norme ITIE comprend des exigences auxquelles les compagnies nationales sont tenues dans le cadre des informations contextuelles et cela concerne leur mandat et les obligations contractuelles au nom de l’Etat et la divulgation des revenus de vente des parts de production de l’Etat ou autres revenus perçus en nature.

LDB : quel est le périmètre d’intervention de l’ITIE ?

FMO : Les autres opérations comme celles de l’aval pétrolier (raffinage, vente et distribution des produits de raffinerie) ne relèvent pas du dispositif actuel de l’ITIE et du périmètre de conciliation des rapports ITIE du Congo. Il a été ainsi montré au conseil d’administration international qu’en excluant toutes les affirmations spéculatives, plusieurs informations et données qui ont permis la déclaration de Berne, ont été basées sur les rapports ITIE et les rapports trimestriels KPMG du Congo. Ce qui montre à suffisance la qualité du niveau atteint par notre pays. La présidente du conseil d’administration de l’ITIE l’a signifié que malgré l’exhaustivité des déclarations sur les ventes de pétrole, des améliorations sont à entreprendre dans la relation entre le Gouvernement et la SNPC dans son ensemble, la SNPC et ses filiales. La norme ITIE doit être de plus en plus considérée dans son emploi comme un soutien aux réformes, un moteur de réformes dans la gestion des ressources issues des industries extractives.

LDB : Quelques pays se sont vus taper sur les doigts lors du conseil. Quels sont ces pays et que leur reproche-t-on ?

FMO : La mise en œuvre de l’ITIE n’est pas une action vouée à la répression. Le conseil d’administration international a pris des décisions pour certains pays, basées sur le respect des exigences de mise en œuvre. En ce qui concerne le Libéria, il lui a été accordé des prorogations pour la publication de son rapport ITIE 2012/1013, et pour le début de sa validation. Pour le Tadjikistan, Il a été décidé que ce pays candidat soit suspendu pour non publication de son rapport ITIE. Par contre pour l‘Azerbaïdjan, il a été décidé que ce pays, pourtant conforme, soit rétrogradé au statut de pays candidat du fait de la mauvaise évolution de sa relation avec les organisations de la société civile. Des mesures correctives devront accompagner cette décision. L’Azerbaïdjan est le premier pays a subir une telle mesure. En ce qui concerne l’Afghanistan, le conseil d’administration a décidé de modifier les dispositions de ce pays de manière à ce qu’il soit tenu de passer à la mise en œuvre de la norme ITIE version 2013 par le biais du mécanisme de validation.

LDB : L'ITIE est déjà à son sixième rapport. Ces publications ont-t-elles un impact pour le Congo en termes de changement d’attitude ?

FMO : On peut citer entre autres acquis à ce jour le renforcement du dialogue entre le gouvernement, les organisations de la société civile et les entreprises sur la gestion des revenus du secteur extractif. Il s’avère donc normal et logique que les positions des uns et des autres peuvent s’exprimer sur des plans contrastés et de manière indépendante en se basant sur les recommandations et conclusions des rapports ITIE. L’inscription budgétaire d’une allocation spécifique au comité exécutif de l’ITIE et le soutien des partenaires au développement est aussi un acquis. Depuis plus d’une dizaine d’années, la publication régulière d’un rapport sur les recettes pétrolières de l’Etat, notamment sur la commercialisation de sa part d’hydrocarbures s’effectue par un cabinet de consultant, KPMG, dont la crédibilité est mondialement reconnue. On note aussi l’appropriation des données des rapports ITIE. Le meilleur exemple que l’on peut citer à cet effet est l’utilisation des données contenues dans lesdits rapports par le parlement dans le cadre des divers travaux budgétaires. Les défis de ce processus concernent essentiellement trois points. Le plus important est le suivi des recommandations des rapports de conciliation de l’ITIE. Celles-ci considèrent que la mise en œuvre de l’ITIE est un moteur de réformes devant permettre l’amélioration de la gestion des recettes issues des industries extractives.


Nancy France Loutoumba