Les Dépêches de Brazzaville



Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes. « Engagés ensemble contre l’exploitation sexuelle des mineures »


 Un phénomène inquiétant qui gagne en ampleur

Aujourd’hui, la violence à l’égard des femmes et des filles constitue l’une des violations des droits humains les plus répandues, les plus persistantes et les plus dévastatrices dans le monde. Depuis l’apparition de la covid-19, les données et les rapports provenant des principaux acteurs du secteur montrent que ces violences se sont considérablement accrues.

Plus inquiétant encore : en Europe comme dans d’autres pays du monde, la violence à l’égard des femmes et des filles concerne des victimes de plus en plus jeunes, parfois de moins de 14 ans.  L’exploitation sexuelle des mineures est un des secteurs qui cristallise particulièrement ces violences.

Des victimes de plus en plus jeunes, vulnérables et exposées à toutes sortes de danger

En République du Congo, l’Equipe Europe et ses partenaires ont été alertés sur la situation extrêmement préoccupante de très jeunes filles des rues, âgées de 8 à 12 ans à peine.

Les professionnels du secteur ne disposent pas de chiffres quant au nombre réel de ces mineures prostituées. Ils constatent que ce phénomène, présent à Brazzaville et à Pointe-Noire, touche de plus en plus de jeunes filles issues de l’intérieur du pays qui rejoignent les grandes agglomérations pour y « faire la vie » selon leur propre expression. Alimentée par la crise économique, cette prostitution des mineures est accentuée par la pandémie que traverse le Congo. La paupérisation des ménages conduirait volontairement, ou sous la contrainte, ces jeunes filles à développer des stratégies de survie en se livrant à la prostitution.

Mais il ne s’agit pas que de cela : comme leurs aînées déjà présentes dans les rues, ces jeunes filles sont en rupture familiale en raison de maltraitance, d’accusations de sorcellerie encore très prégnantes dans la société, de l‘éclatement de la cellule familiale, du décès ou du divorce d’un parent. Des causes récurrentes qui multiplient le risque pour ces jeunes filles de basculer dans la prostitution. Ce n’est donc pas un épiphénomène.

Dans cette rue qui leur sert à la fois de lieu de vie et de lieu d’exercice de leurs « activités », ces jeunes filles sont l’objet d’une violence omniprésente, leur vulnérabilité et leur jeune âge facilitant l’action de leurs bourreaux. 

Par ailleurs, l’impératif de subvenir économiquement à leurs besoins, les mettent sous l’emprise des « yaya » (filles plus âgées) et des gangs (bébés noirs) en échange d’une protection contre les dangers de la rue auxquels elles sont constamment exposées. Dans l’obligation de multiplier des passes, afin de remplir leurs engagements, ces jeunes filles subissent des rapports sans protection qui les exposent par ailleurs à des maladies chroniques, infectieuses et sexuellement transmissibles, mais aussi à la drogue.

Un cadre plus coercitif et un effort collectif pour venir en aide aux victimes

Face à cette situation et en soutien aux associations de prise en charge des victimes qui luttent sans relâche sur le terrain, l’Equipe Europe lance un appel solennel aux autorités congolaises, afin qu’une attention particulière soit portée au drame que vivent ces enfants.

L’Equipe Europe tient à souligner et à saluer les initiatives déjà entreprises par les autorités congolaises compétentes, notamment à la lumière d’événements tragiques survenus ces dernières années. L’accompagnement médical, psychologique et social des victimes de violences, les prises de paroles fortes, les interventions rapides pour arrêter et sanctionner les auteurs de ces violences, ont fortement contribué à mettre en lumière ce phénomène et à mobiliser davantage les différents ministères concernés et à créer des synergies.

Aujourd’hui, il faut aller plus loin

Face à la montée en puissance du phénomène, plusieurs leviers pourraient être actionnés, notamment dans le cadre d'un plan national ambitieux de lutte contre la prostitution des mineurs. Ces leviers porteraient sur le déploiement d'une politique de prévention primaire en direction des victimes potentielles et de leurs familles, sur l'amélioration du repérage des situations d'exploitation sexuelle des mineurs, l'amélioration de l'accompagnement éducatif des mineurs et de l’assistance juridique qui leur est apportée, la mise en œuvre d'une politique de formation interdisciplinaire et à l'attention de tous les professionnels. Ces leviers permettraient d'inscrire les actions dans la durée, en cohérence, avec la mobilisation de l'ensemble des acteurs, professionnels et associatifs, qui disposent de données sur lesquelles s’appuyer ainsi que des compétences nécessaires.

L’Equipe Europe en République du Congo se tient prête à soutenir toutes les initiatives qui s’inscriraient dans ce sens et lance un appel à faire cesser les violences à l’égard des femmes et des filles, fléau profondément enracinée dans les inégalités au sein de la société.

L’Equipe Europe invite par ailleurs la société civile dans son ensemble, les autorités congolaises, les médias et le grand public en général, à se mobiliser, le 25 novembre, à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre les violences à l’égard des femmes et durant toute la campagne de 16 Jours d’activisme. Le thème de cette année « Orangez le monde : mettre fin dès maintenant à la violence à l’égard des femmes ! »  nous offre une fois de plus mais pas une de trop, l’opportunité  de nous engager dans l’indispensable effort collectif afin de mettre fin aux violences basées sur le genre et, en particulier, à cette exploitation de la honte sur les enfants./.

L’Equipe Europe en République du Congo

Giacomo Durazzo, Stefano de Leo, François Barateau, Wolgang Klapper, Jean-Paul Charlier

[1] 1 « Orangez le monde » est une campagne menée par le secrétaire général des Nations unies et ONU Femmes depuis 2008. Elle vise à prévenir et à éliminer la violence à l'égard des femmes et des filles dans le monde, en appelant à une action mondiale pour accroître la sensibilisation et le soutien à cette question et créer des opportunités de discussion sur les défis et les solutions. La couleur Orange a été choisie à cette occasion pour représenter la lutte contre les violences à l’égard des femmes.

 


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