Les Dépêches de Brazzaville



Justice internationale : les victimes d’Omar el-Béchir s’impatientent de son transfert à la CPI


Les victimes et leurs parents s’impatientent du retard pris depuis que des mandats d’arrêts ont été émis contre les intéressés, dont l'ex-gouverneur de l'Etat du Kordofan-Sud et ancien ministre, Ahmed Haroun, et l'ex-ministre de la Défense, Abdel Rahim Mohamed Hussein. Ils estiment que le processus devrait déjà connaître une vitesse de croisière, après que les autorités soudanaises et la CPI ont signé un protocole d’accord de coopération qui doit donner lieu à la remise du président déchu et de ses collaborateurs à ce tribunal. Ce qui doit être encouragé par le fait qu’un accord historique conclu entre le gouvernement soudanais de transition et plusieurs groupes rebelles insiste sur la nécessité d'une « coopération complète et illimitée » avec la justice internationale.

Avec leurs soutiens à travers le monde, les victimes du Darfour pensent qu’il est temps que la CPI fasse son travail au lieu d’être contrainte de s’arrêter aux déclarations d’intention. Allusion faite à la pression qu’elle doit mettre sur le Soudan, dont les dirigeants sont réticents sur cette affaire même si le nouveau procureur de l’institution, Karim Khan, affirme que des projets sont en cours pour ouvrir un bureau à Khartoum afin de recueillir de nouvelles preuves pour « constituer un dossier solide ».

Sur le sol soudanais, la ministre des Affaires étrangères, Mariam al-Mahdi, fille de l'ancien Premier ministre Sadek al-Mahdi, renversé en 1989 par un coup d'Etat mené par Omar el-Béchir, relève certes « l'importance » de la coopération avec la CPI « pour obtenir justice pour les victimes de la guerre du Darfour », mais les ONG appellent avec insistance au transfert des prévenus.

Le Conseil souverain appelé à traduire ses paroles en actes

« La CPI doit revenir vers les victimes (…) et promouvoir son travail efficacement afin que la justice soit faite », souligne, dans un communiqué, Alice Mogwe, présidente de la Fédération internationale pour les droits humains, ajoutant que cette instance a une lourde tache.

L’engagement des autorités soudanaises de remettre Omar el-Béchir à la CPI n’est pas nouveau. En février 2020, le pouvoir de transition militaro-civil mis en place après sa chute s'était engagé à favoriser sa comparution devant cette instance, qui a émis il y a plus de dix ans des mandats d'arrêt contre lui et d'autres figures de son régime, pour « crimes contre l'humanité », « crimes de guerre » et « génocide » au Darfour. Mais ces paroles n’ont jamais été traduites en actes et l'autocrate avait, durant sa présidence, plusieurs fois défié la Cour en voyageant à l'étranger sans être arrêté.

La décision réitérée à Karim Khan lors de sa récente visite à Khartoum par le Soudan de remettre à la CPI l’ancien président est saluée par plusieurs pays dont les Etats-Unis. « Nous exhortons le Soudan à continuer de coopérer avec la CPI en lui livrant les personnes recherchées et en partageant les preuves qu'elle demande. Il s'agirait d'une avancée majeure pour le Soudan dans la lutte contre des décennies d'impunité », a déclaré le porte-parole de la diplomatie américaine, Ned Price.

Malgré cela, le sujet suscite des réactions tant au Soudan que dans plusieurs pays du Golfe. De nombreuses personnes souhaitent que le président déchu soit jugé dans son pays plutôt qu’à la CPI, parce qu’elles considèrent son ultime transfert comme « une humiliation du Soudan ». « Cette décision est un coup contre la justice soudanaise », dénonce le Parti du congrès national, formation politique d’Omar el-Béchir.   

 

 

 


Nestor N'Gampoula