Les Dépêches de Brazzaville



Le pape et le monde prient et jeûnent pour la paix en Syrie


La liste de ceux qui ont choisi de répondre présent à cet appel curieux du pape de venir jeûner et prier place Saint-Pierre de Rome, ou de le faire chez soi, s’est allongée d’heure en heure. Loin de trouver l’idée ridicule, musulmans, juifs, bouddhistes, protestants, orthodoxes se sont ralliés à une initiative en apparence sans grande chance de bousculer les certitudes des stratèges. Pour ces derniers, le président syrien a été pris la main dans le sac à utiliser des gaz prohibés contre ses populations : il doit donc « être puni ».

D’heure en heure, les tenants de cette option ont distillé vraies et fausses informations, profondes certitudes et simples hypothèses des services de renseignement pour (se) convaincre que le danger en Syrie venait de l’impunité de son président. C’est à peine si le vote-surprise du Parlement britannique, qui s’est prononcé contre, les appels de la Chine à privilégier le dialogue, les exhortations de l’Italie à suivre, en tout état de cause, la voie de la légalité internationale avec un aval préalable de l’ONU, les appels de la Russie à demeurer circonspect et à ne pas voir le mal que dans le seul camp présidentiel quand ses opposants sont animés d’autant d’intentions coupables, peuvent influencer les jusqu’au-boutistes.

Sans choisir ni les pour ni les contre, le pape François a jeté tout le poids de sa fonction dans la balance. Lettre aux dirigeants du G20 ; prises de position pour rappeler que l’intervention militaire en Syrie ajoutera aux souffrances du peuple syrien et ne les abrégera pas ; exhortation aux croyants du Moyen-Orient à se faire les apôtres d’une paix qui profiterait à tous… François aura tout tenté. Son ministre chargé du dialogue avec les religions non chrétiennes, le cardinal français Jean-Louis Tauran, rentre de Jordanie où il a pris part à une rencontre sur les défis des chrétiens arabes en ces temps de violences redoublées contre eux en Libye, en Tunisie, en Irak ou en Égypte…

L’Église catholique tente d’ébranler le monde pour que la cause de la paix gagne du terrain. Le sort en jeu est celui du monde bien entendu, mais aussi, et surtout, celui des chrétiens (ce qui revient presque au même) que le roi de Jordanie n’hésite pas à définir comme « les éléments stabilisateurs de tout le Moyen-Orient », sans être les pions de l’Occident. La bataille de Syrie se mène donc aussi bien par les armes sur le terrain entre partisans et adversaires du président actuel, mais aussi par la religion devenue une clé de voûte d’un ensemble chancelant.

La journée de prière et de jeûne de samedi, c’est curieux, a vu en Italie des personnalités s’engager dans le soutien à l’idée du pape. Sportifs de renom, chercheurs et sommités de la science ont dit « oui ». Au sein du gouvernement, la ministre des Affaires étrangères, Emma Bonino, a adhéré à la démarche. Elle est pourtant membre du Parti radical italien, dont on ne peut pas dire qu’il entretient les rapports les plus amicaux avec le Vatican contre lequel il demande régulièrement que l’Italie cesse de lui reconnaître les exorbitants privilèges découlant du concordat de… 1929 ! Même la laïque mairie de Naples a dit son adhésion officielle à la démarche du pape.

Enfin pourquoi ne pas citer, toujours chez les ministres du gouvernement d’Enrico Letta, outre ses ministres des Affaires étrangères et de la défense, la frêle présence de Cécile Kyenge Kashetu ? Ministre de l’Intégration, cible depuis son entrée au gouvernement des plus monstrueuses attaques de l’extrême droite, l’Italo-Congolaise entendait marquer ses convictions chrétiennes. Mais elle entend aussi faire savoir que la lutte pour la paix est une cause dont aucune personne et aucune race du monde ne devrait se sentir exemptée.


Lucien Mpama