Les Dépêches de Brazzaville



Le Vatican en ordre de bataille contre le virus Ebola


C’est le cardinal Peter Kodwo Turkson, président du Conseil pontifical justice et paix, que le pape François dépêche ce mardi en Sierre Leone et au Libéria pour y soutenir l’action des opérateurs catholiques contre l’épidémie d’Ebola. La maladie, on le sait, sévit très lourdement dans trois pays ouest-africains, en comptant aussi la Guinée-Conakry, premier foyer à partir duquel le virus semble s’être répandu dans la sous-région. Originaire du Ghana, le cardinal Turkson, ancien archevêque de Cape-Coast, est un homme dont la voix porte dans la zone.

Mais au-delà de la personnalité, la décision du pape consiste également à envoyer un message fort, aussi bien aux victimes de cette épidémie, qu’à la communauté internationale. Le 24 septembre dernier, Place Saint-Pierre, il avait fait prier pour les victimes et appelé la communauté internationale à tout mettre en œuvre pour vaincre ce mal et manifester une solidarité effective envers les victimes. Cette fois, il s’agit aussi de donner un coup de pouce à ceux des catholiques, organisations ou individus, qui sont sur le point à lutter contre le mal souvent au risque de leur propre vie. « L'Eglise, la Caritas, les congrégations religieuses et les différentes organisations catholiques sont en première ligne contre l'épidémie », a indiqué Mgr Robert Vitillo, conseiller médical auprès de la Caritas Internationalis, qui accompagne le cardinal Turkson dans ce voyage. A souligner aussi que le Vatican dispose d’un ministère de la Santé, déjà actif sur le terrain, et dont le n°2 est aussi un Africain, Mgr Jean-Marie Mupendawatu, originaire de RD-Congo. Il s’agit ici, surtout, de « soigner les personnes, pas seulement les corps », explique le Vatican.

« L'impact de l'épidémie va au-delà du secteur sanitaire. Les écoles sont fermées, les enfants et les jeunes sont abandonnés à eux-mêmes. Du coup, les grossesses ont augmenté parmi les adolescentes, tout comme la petite délinquance », relève le cardinal Peter Turkson, l'un des deux cardinaux africains de la Curie romaine (avec l’ancien archevêque de Conakry, le cardinal Robert Sarah, originaire de Guinée, autre pays touché par Ebola). Pour lui, « il faut aider les prêtres et les opérateurs pastoraux à satisfaire les besoins spirituels de ceux qui vivent avec l'infection ».

Car la maladie qui touche aujourd’hui l’Afrique de l’Ouest et provoque la peur-panique dans le reste du monde, cause des dommages collatéraux bien au-delà du strict cercle sanitaire. La Banque mondiale souligne que cette année les perspectives économiques des trois pays touchés devraient se contracter de 2 à -0,2%. Pourtant en octobre dernier, elle prévoyait pour 2015 une croissance robuste en Guinée (+2,0 %) et surtout en Sierra Leone (+7,7 %), quoiqu’émergeant à peine de plusieurs années de guerre civile.

Pourtant, affirme le cardinal Turkson, « les orphelins d'Ebola sont parfois rejetés par les familles qui ont jusqu'à présent réussi à échapper à la contagion (…). Bien que soit appliquée dans ces pays une politique du ‘no touch’, il est permis à ces opérateurs pastoraux de prier avec eux en maintenant une distance de sécurité, de les bénir et de célébrer leurs rites funèbres, qui doivent par ailleurs être coordonnés par des équipes de fossoyeurs spécialisés. La paralysie des entreprises pèse lourdement sur des économies fragiles ».

 Le haut-prélat évoque aussi des conséquences sociales variées de la diffusion du mal : « le nombre de cas de grossesses a augmenté parmi les jeunes filles; autant pour la petite délinquance ». Il s’agit de sociétés entières auprès desquelles,  il faut manifester le soutien multiforme de l’Eglise et de la communauté des nations.


Lucien Mpama