Les Dépêches de Brazzaville



Les souvenirs de la musique congolaise: implosion de l’orchestre Bantous de la capitale (Suite et fin)


Suite à l’implosion de l’orchestre, l’on assiste non seulement à une scission parmi les fans et sympathisants en trois groupes mais aussi au sein de la crème mondaine brazzavilloise. Une tendance continue de soutenir les Bantous et les deux autres jettent leur dévolu sur les Nzoïs ou l’orchestre le Peuple. Par contre, une frange des musiciens composée des instrumentistes solidaires à Nino Malapet et Essous, entre autres, Gerry Gérard, Samba Mascott, Alphonse Ntaloulou (guitaristes) Arthur Nona (saxophoniste) continuent de naviguer dans le bateau Bantous de la capitale.

La nature ayant horreur du vide, une vague de jeunes chanteurs va arriver, en l’occurrence Roger Pikou, Brazz Antonio, Simon Mangouani, Pambou Tchikaya Tchiko, Lambert Kabako. Au fil des mois, une rivalité s’installe, la guerre fait rage entre les trois têtes de l’hydre Bantous.

Sur le marché de disque, des titres phares tels que « Ame Louisie » de Théo Bitsikou, « Owelelaki mingui » de Mpassi Mermans produits par l’orchestre Nzois avec le soutien de Louambo Makiadi Franco (qui fut président d’honneur des Nzois), « Kouka-ba dia nseke » de Célestin Kouka, « Alléluia » de Pamelo, « Vie privée », « Kamwiya », « Lettre ouverte » de Kosmos connaissent un succès fulgurant dont les médias firent un large écho.

Sous la férule de Nino Malapet et Essous, les Bantous résistent. Pour contrer l’offensive des partants, les Bantous mettent sur le marché quelques titres parmi lesquels « Isabelle mwuana Kin » de Pambou Tchico, « Bongo » d’Essous… Sans oublier la brillante interprétation « d’El Manicero » par le virtuose de la salsa, José Missamou.

Ironie du sort, quelques semaines après l’éclatement des Bantous, le président Omar Bongo arrive à Brazzaville pour une mission officielle et exige pour l’animation du banquet en son honneur la présence de cet orchestre. Pour plaire à son hôte, le président Marien Ngouabi réunifie les protagonistes, le temps d’une soirée et d’un concert. Quelques temps plus tard, le président Senghor du Sénégal, en visite dans la capitale congolaise, exigera à son tour la présence de cet orchestre au banquet officiel. Malgré ces deux retrouvailles circonstancielles, aucune piste de réconciliation ne fut envisagée ni par les protagonistes ni par les pouvoirs publics en vue de la réunification de l’orchestre. Par contre, une rivalité entre les Bantous et les dissidents Nzoïs-le Peuple connaîtra une ampleur pendant plus d’une décennie et fut alimentée par des chansons dites « Mbuakela » (adresse indirecte à quelqu’un par le biais d’une chanson) et polémiques entre fans et sympathisants.

                                                                                            

                                                                            


Auguste-Ken Kenkela