Les Dépêches de Brazzaville



Lithium : Kinshasa ouvre ses portes aux investisseurs potentiels


Il s’agit bien d’un pas dans le vide pour le pays qui n’a pas d’antécédent industriel en matière de fabrication de ces batteries. Au regard des moyens financiers et technologiques à réunir, le pays sollicite une implication régionale pour capter d’importantes parts de marché de la transition énergétique mondiale en cours. En avril dernier, Kinshasa passait à la phase décisive d’un projet inédit : l’installation du Centre africain d’excellence pour les batteries électriques. Pour les autorités congolaises, il n’est pas question de développer un tel projet sans associer d’autres pays africains. Dans notre livraison du 26 avril, nous avons présenté l’objectif du Centre qui est de former des Congolais et d’autres Africains. Le choix de l’Université de Lubumbashi pour abriter le Centre s’explique par la notoriété de sa faculté de polytechnique en matière de formation. A Dubaï, aux Émirats arabes unis, et plus tard à Cape Town, en Afrique du Sud, le gouvernement a réaffirmé sa détermination à positionner le pays dans la production des batteries électriques.

Aujourd’hui, beaucoup d’analystes s’interrogent sur l’impact réel de cette communication gouvernementale auprès des partenaires potentiels. D’ailleurs, qui sont-ils dans ce vaste projet que le journal "Le Monde" n’a pas manqué de présenter comme les « folles ambitions de la RDC » dans son édition Afrique du 28 décembre 2021 ? En effet, tout l’enjeu stratégique est la transition énergétique mondiale. Avec ses réserves importantes de lithium, un minerai indispensable à la production des batteries pour véhicules électriques, la RDC espère ni plus ni moins jouer un rôle non négligeable, voire d’être au cœur de cette transition énergétique mondiale. Il s’agit de capter une partie des 8 000 milliards de dollars américains de revenus issus de la vente des véhicules électriques à l’échéance 2025. Ces revenus pourraient bien passer à 46 000 milliards d’ici à 2050.

Face à cette opération de charme de Kinshasa, le message n’a pas encore suscité un réel engouement dans le monde minier encore sous le choc de la dernière réforme minière qui a conduit à un nouveau Code minier qui a revu toutes les taxes à la hausse. « Ce ne sera pas simple de rassurer les investisseurs potentiels sur la sécurité des investissements en RDC. C’est également dans un même cadre que Kinshasa avait annoncé unilatéralement la révision du Code minier de 2002 », explique un expert J.M. Même si le gouvernement tente de rassurer cette fois sur la situation sécuritaire plus favorable désormais aux forces de défense de la RDC, le climat politique et les tensions politico-militaires même bien localisées constitueront également des obstacles non négligeables à l’arrivée de ces investisseurs potentiels, poursuit-il. Ce dernier fait également référence à l’année électorale qui approche à grands pas et n’augure rien de bon au regard des divergences politiques et politiciennes. A cela, il faut ajouter la faiblesse des projets de recherche de lithium, le mauvais état général des routes et le sempiternel problème de déficit de fourniture électrique.

Face à ce climat d’investissement plutôt précaire, le pays ne manque pas d’arguments solides. Il dispose dans son sous-sol des plus grandes réserves de lithium de roche dure inexploitées. Des études effectuées sur une infime partie de la zone regorgeant ce minerai, à peine 10 %, ont permis de découvrir une réserve de 132 millions de tonnes exploitables de manière rentable. Une étude de Bloomberg affirmerait que construire ce type d’usine coûterait moins cher en RDC qu’aux États-Unis d’Amérique ou en Chine. Finalement, l’argument économique pourrait peser durablement sur la décision finale d’investir ou pas. Les prétendants ne manquent pas à l’appel, dont les Chinois et les Australiens.


Laurent Essolomwa