Les Dépêches de Brazzaville



Livres : Norbert Lupitshi Wa Numbi offre une autre lecture du phénomène enfant de la rue


Professeur, vice-doyen chargé de l’enseignement à la faculté de droit de l’Université de Lubumbashi, Norbert Lupitshi parle en connaissance de cause. En effet, résidant dans la ville cuprifère dont il a fait son champ d’études, il est parti du constat qu’en matière d’enfants de la rue, cette dernière ne fait pas exception au regard de ses sœurs du continent. « La présence des jeunes dans la rue fait partie du paysage urbain de la presque totalité des villes africaines », affirme-t-il ici.

Dans le cas de Lubumbashi, l’auteur explique alors que « le jour comme la nuit, les jeunes de différents âges arpentent quotidiennement les principales artères du centre et envahissent les lieux publics à la recherche d’un support matériel ou symbolique à leur existence ». Le tableau ainsi décrit n’est pas étranger aux habitants de Kinshasa qui pourraient penser  avoir affaire à la description d’une scène familière de leur quotidien. Il s’agit là bien d’un phénomène en pleine recrudescence dans la capitale où le nom de shegue a même été donné à ces enfants en rupture familiale quitte à mieux les distinguer du reste de la population.

Pour sa part, estime Norbert Lupitshi, les shegues, comme on les nomme à Kinshasa, « sont victimes des représentations déterministes très carrées ». Ainsi, généralement perçus à travers leurs caractéristiques de nuisance, ce qui n’est pas faux et se vérifie bien du reste, ils sont accusés de tous les maux. L’auteur évoque les différentes étiquettes qui leurs sont accolées à l’instar de celles de « gibiers de potence », « brebis galeuses », « bombe à retardement » et « voyous terrifiants » comme faisant partie de ces « nombreux clichés véhiculés pour consacrer la fatalité de leur avenir et de leur devenir ». Pensée qu’il ne soutient ni ne partage guère. Le docteur en criminologie est d’un tout autre avis. En effet, au travers de son ouvrage, il fait une déconstruction de ce qu’il tient pour un « médusant déterminisme ». La quatrième de couverture nous signale que bien contraire, dans ses écrits déployés en 318 pages, il s’emploie à livrer « une autre lecture du phénomène des jeunes dits de la rue ». Une « lecture selon laquelle, poursuit-elle,  la rue n’est pas un gouffre de non-relèvement pour les jeunes qui y vivent ». Car, fort de son constat personnel l’auteur déclare qu’en dépit des aléas et vicissitudes connus dans la rue, leur avenir n’est pas pour autant scellé par un destin apocalyptique. Il conclut dès lors son propos en affirmant que « des bifurcations de tout acabit sont observées dans leur parcours de vie au sortir de la rue, une sortie qui s’inscrit dans deux axes : institutionnel et non institutionnel ».


Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

La couverture de "Sortir de la rue, Les trajectoires des jeunes de Lubumbashi en RDC"