Les Dépêches de Brazzaville



L’Union européenne veut investir pour retenir les migrants en Afrique


Les noms varieront, allant de ceux porteurs d’une vraie férocité contre les migrants à ceux, plus atténués, qui suggèrent l’idée d’une sorte de Plan Marshall : la réalité sera toujours celle qui voit surgir, ici et là, de nombreuses clôtures aux frontières de l’Europe. Il s’agit de retenir les migrants et de faire en sorte qu’ils ne viennent pas en masse frapper aux portes de l’Europe. Chassés de chez eux par les guerres ou par la pauvreté, ces migrants sont porteurs de menaces potentielles, estime-t-on à haute ou basse voix.

Au moment où le plus actif des mouvements djihadistes de la planète, l’Etat islamique (ISIS ou Daech), sévit en Libye à seulement quelques encablures des côtes italiennes, d' entrée de l’Europe, ce continent cherche la parade à ce qui est vu comme une invasion. Le 20 mars dernier, elle a trouvé un premier bouclier protecteur en signant un accord avec la Turquie chargée de faire le tri des migrants et d’accepter chez elle ceux qui ne répondraient pas aux critères d’octroi du droit d’asile.

Pour le moment cette digue-là tient. Mais pour combien de temps ? Les sceptiques sont nombreux entre nations hostiles à un rapprochement avec la Turquie islamique, et méfiants ataviques ou dubitatifs désarçonnés par la condition posée par Ankara pour accepter l’accord. Contre trois milliards d’euros, la Turquie a, en effet, accepté de faire le travail à la condition supplémentaire de lever l’exigence de visa pour ses citoyens voulant visiter l’Union européenne. Une arrête dans la gorge des nombreux régimes populistes qui commencent à fleurir sur le continent.

 C’est pourquoi l’Union européenne a pondu mardi une version mi-carotte et mi-bâton dirigée notamment vers les Etats coopératifs d’Afrique invités à garder « leurs migrants » chez eux. « L'idée est de se baser sur l'expérience que nous avons récemment eue avec nos accords avec la Turquie », a expliqué à la presse le commissaire européen en charge des migrations, Dimitris Avramopoulos. Il s’agit d’agiter la carotte : de « garantir aux pays qui se montrent coopératifs, en plus des aides actuelles, un soutien financier additionnel et un renforcement des relations commerciales », ou le bâton : « des restrictions » contre ceux des Etats qui renâcleraient.

Depuis que la Turquie a verrouillé ses frontières et endigué les flux de migrants provenant de Syrie et d’Irak, c’est la route africaine qui est de nouveau entrée en activité par la Méditerranée. Avril, dit-on, a vu pour la première fois depuis juin 2015 plus de migrants débarquant en Italie qu’en Grèce par les côtes libyennes. C’est pourquoi le nouveau plan reprend les grandes lignes de la Migration Compact du premier ministre Italien, Matteo Renzi.

Le plan européen prévoit jusqu’à 60 milliards d’euros d’investissements à long terme dans les pays africains d’où part le plus grand nombre d’immigrants. Il s’agit de retenir chez eux: les Soudanais, les Nigériens, les Ethiopiens et autres Somaliens trop tentés d’aller trouver leur bonheur ailleurs, mais toujours en passant par l’Europe. Cette entreprise est, on le sait, jalonnée de nombreux morts. Les chiffres du Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés, HCR, indiquent que depuis 2014 plus de 10.000 migrants ont perdu la vie en Méditerranée, en tentant de rejoindre l'Europe. Mais ce n’est évidemment qu’une estimation.


Lucien Mpama