Les Dépêches de Brazzaville



Madagascar : l’armée prend le pouvoir après la destitution du président Rajoelina


Le 14 octobre 2025, 130 députés sur 163 ont voté la destitution du chef de l’État, accusé de dérive autoritaire et de tentative de dissolution illégale du Parlement. Quelques heures avant ce vote, Rajoelina avait publié un décret dissolvant l’Assemblée, suscitant une riposte institutionnelle jugée « illégale » par l’opposition. Dans la foulée, le colonel Michael Randrianirina, appuyé par l’unité militaire CapsatA, a annoncé la dissolution du Sénat et de la Haute Cour constitutionnelle : « À partir d’aujourd’hui, l’armée prend ses responsabilités », a-t-il déclaré devant le palais présidentiel à Antananarivo. Le général Démosthène Pikulas a été présenté comme le nouveau chef de l’armée, lors d’une cérémonie en mémoire d’un soldat tué lors d’affrontements la veille.

Crise institutionnelle et transition incertaine

Le président Rajoelina est porté disparu depuis plusieurs jours. Des rumeurs évoquent son exfiltration vers l’île Maurice ou la France, sans confirmation officielle. La Haute Cour constitutionnelle, censée valider la destitution, a été neutralisée par les militaires. Aucune transition civile n’a été formalisée. L’Assemblée nationale reste active, mais la situation évoque un coup de force militaire assumé, bien que temporairement habillé d’un vernis institutionnel.

Impacts géopolitiques et économiques immédiats

La monnaie malgache, l’ariary, a chuté (–8 % en 24 h face au dollar), des aides internationales ont été suspendues : le Fonds monétaire international a gelé un crédit de 320 M$, des projets miniers sont à l’arrêt. « Madagascar redevient un point chaud de l’océan Indien à surveiller de près, dans un contexte de compétition entre puissances régionales », note Marie Duclos, analyste géopolitique à l’IFRI. Le pays, situé sur une route maritime stratégique, est au cœur des enjeux d’influence entre la Chine, l’Inde, la France et les États-Unis.

Réactions internationales prudentes

L’Union africaine a convoqué une réunion d’urgence. Paris et Washington appellent au respect des institutions, sans reconnaître pour l’instant le nouveau pouvoir. L’Union européenne exprime sa « préoccupation sérieuse quant à la stabilité de la région ». Madagascar replonge dans l’incertitude politique. Le retour de l’armée aux commandes révèle l’effondrement des équilibres institutionnels. Les conséquences économiques, sécuritaires et géopolitiques pourraient être durables si une issue démocratique n’est pas rapidement trouvée.


Noël Ndong