Les Dépêches de Brazzaville



Mémoire et patrimoine : discussions sur l’avenir des musées en Afrique


 Les panélistes du troisième dialogue organisé au Musée national (Adiac)

Le débat était centré sur « Le nouvel avenir des musées africains à la lumière d’avancées théoriques et politiques récentes », il a été soutenu par six principales réflexions. L’assistance hétéroclite conviée à cette rencontre a entendu les panelistes partager tour à tour leurs avis sur le sujet à commencer par Ribio Nzeza Bunketi, professeur des universités (Unikin et UCC, chercheur qui a pour centre d’intérêt les politiques culturelles et le management culturel). Les quatre jeunes artistes, en l’occurrence Nizar Saleh (cinéaste-réalisateur travaillant sur les questions de restitution), Prisca Tankwey (artiste multidisciplinaire), Gosette Lubondo (photographe travaillant sur la mémoire) et Steve Bandoma (plasticien) qui y prenaient part se sont également étendus sur le sujet tout autant que Patrick Lema (agent de collections du Musée national). Chacun des orateurs a livré son ressenti personnel se basant sur l’annonce de la restitution par la France de pièces majeures du patrimoine africain. Ils ont procédé à la réévaluation des concepts de patrimoine et de musée comme étant intraduisibles des langues européennes. Le renouveau de la pensée critique africaine, la vitalité de la scène artistique sur le continent et l’engagement de collectionneurs privés sont les questions majeures abordées à l’occasion.

Dans sa réflexion, le Pr Ribio Nzeza a estimé que réaliser des inventaires serait l’un des préalable à la restitution, notant au passage que toutes les œuvres congolaises exposées dans les musées occidentaux n’ont pas été acquises illégalement. Avis partagé par les co-débatteurs et confirmé par le directeur général des Instituts des musées nationaux du Congo (IMNC), Paul Bakwalufu. Et d’ajouter  : « La Belgique n’est pas le seul pays à posséder des œuvres congolaises. La France aussi, notamment au Musée du quai Branly-Jacques Chirac ». Propos renchéris par Gosette Lubondo qui a évoqué son passage dans l’une des salles où des œuvres du Kongo central, sa province d’origine lui ont fait une très forte impression. Savoir que plusieurs autres pays occidentaux possèdent des œuvres d’art congolais à l’instar même des États-Unis. Une vue partielle des participants à la rencontre (Adiac)

Deux autres dialogues en perspective

Le Pr Ribio Nzeza a tout aussi évoqué « l’obligation d’avoir, en RDC, des musées Hi-Tech pour conserver et répertorier les œuvres congolaises identifiées car toutes ne sont pas gardées dans des musées. Il faut à la fois un renforcement des capacités des infrastructures des musées mais aussi de dialogue avec les communautés locales propriétaires de certaines œuvres afin de les encourager à les conserver et les aider à faire en sorte qu’elles jouent pleinement leur rôle ». Ce qui rejoint la pensée partagée par les orateurs que « pour certaines œuvres, outre leur esthétique, elles ont des fonctions sociales, spirituelles et ne servent pas qu’à être exposées pour attirer les regards ou susciter l’admiration des visiteurs des musées. Il faudrait, par-delà le retour exigé des œuvres au pays, réconcilier les citoyens congolais ou les Africains avec leur patrimoine que plusieurs considèrent comme des objets extérieurs à leur vie, taxés de fétiches alors qu’ils font partie de notre identité ». Et de préconiser à cet effet : «  Le programme d’enseignement doit prendre en compte les questions patrimoniales, de musées, de mémoire et même veiller à enrichir le contenu des cours d’histoire et de géographie pour des Congolais à la hauteur et l’image de ceux que nous voulons voir comme citoyens de ce pays ».  

La directrice déléguée de l’Institut français de Kinshasa (IF), Élodie Chabert, a confié au Courrier de Kinshasa que la rencontre était transmise en direct du Musée national de la RDC sur la page Facebook de l’IF - Halle de la Gombe. Le dialogue du jour basé sur le sujet « Mémoire et patrimoine : l’avenir des musées en Afrique à l’aune de la restitution des œuvres patrimoniales », a-t-elle indiqué, «  est l’une des rencontres organisées en amont du Sommet international Afrique-France ». Et de renchérir : « C’est l’occasion d’aborder des grands sujets de société en laissant la parole aux personnes qui, au regard de leur pratique personnelle, professionnelle, artistique, etc., peuvent se mettre en dialogue en fonction des thématiques abordées. Cela permet de savoir quelles sont les ambitions, les souhaits, idées, perspectives et propositions de la jeunesse sur ce propos ». Ainsi, le débat du 5 mai a été précédé de celui organisé sur le genre, le 8 mars, à l’IF. Et, avant elle, « une autre émission retransmise en direct sur Lla Radio Okapi avait porté sur le numérique et la mobilité des savoirs », a dit Élodie Chabert. « Il y en aura deux autres, une sur la participation citoyenne à la démocratie et l’autre sur l’environnement », a-t-elle affirmé.

Le Pr Ribio Nzeza partageant sa réflexion à l’assistance (Adiac)C’est donc à défaut d’organiser les rencontres publiques à l’instar des conférences mensuelles que tenait la Halle de la Gombe avant la pandémie, que les grands-débats de l’IF sont désormais diffusés sur Radio Okapi de sorte à atteindre un plus large public que Kinshasa. Par ailleurs, a souligné Élodie Chabert, « d’autres débats sont organisés par l’antenne de l’IF à Lubumbashi. Et question d’avoir une large audience, la rencontre est retransmise en direct soit via zoom ou Facebook live. Les questions du public, quand il y en a, sont prises en compte ou celles des auditeurs dans le cas où la retransmission se fait en direct sur Radio Okapi ». Quant à celui du jour, il a été enrichi par les interventions du DG Bakalufwa, du directeur du musée national, l'hôte du jour, en l'occurence le Pr Bundjoko  ainsi que par les avis de quelques chercheurs participants à la discussion de bon coeur. Pour la directrice déléguée de l’IF ravie, « c’est très important que l’on se positionne sur un débat, une discussion et non seulement sur une information ». Et de poursuivre : « Ce qui importe pour nous dans cette démarche, c’est de récupérer de la matière, savoir ce que les gens pensent du pays, principalement les jeunes car ce sont eux l’Afrique de demain et nous permet de nourrir ce dialogue »


Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Les panélistes du troisième dialogue organisé au Musée national (Adiac) Photo 2 : Une vue partielle des participants à la rencontre (Adiac) Photo 3 : Le Pr Ribio Nzeza partageant sa réflexion à l’assistance (Adiac)