Les Dépêches de Brazzaville



Minerais : des décennies de gouvernance opaque du diamant


Depuis des lustres, la ville de Mbuji-Mayi, dans le Kasaï oriental, était connue à travers le monde comme la capitale du diamant en Afrique et pourquoi pas du monde tant que son sous-sol regorge des cailloux d’une grande valeur. Une réputation qui a traversé ses frontières naturelles, mais avec un faible impact sur le développement de l’économie locale. Outre le problème d’électricité, on note aussi le déficit infrastructurel, la faible fourniture d’eau potable et même le chômage. En publiant ce rapport « interpellateur », l’idée est de lancer un grand débat sur la gouvernance d’un minerai stratégique qui n’a pas réussi à transformer l’économie du pays comme ailleurs, au Botswana, par exemple. Auteur d’une première étude sur le cobalt en RDC, publiée dix ans plus tôt, l’Observatoire Sarw inscrit sa nouvelle recherche dans la même lignée que d’autres travaux similaires réalisés dans les pays diamantaires comme la Namibie, le Zimbabwe, le Malawi et l’Afrique de Sud. « Nous constatons que beaucoup d'organisations et le gouvernement ne parlent aujourd’hui que de cobalt, de cuivre, de coltan, etc. Pourtant, le diamant a contribué à la renommée de la RDC comme un pays minier avec Mbuji-Mayi, la capitale mondiale du diamant », explique Georges Bokungu, directeur de Sarw.

La fin d’une époque

Aujourd’hui, il est clair que la RDC a perdu le leadership du diamant. L’État a failli pour relancer la Minière de Bakwanga (Miba), la principale société productrice implantée à Mbuji-Mayi. A cela, il faut ajouter l’absence d’application des dispositions du code minier, la fraude minière à grande échelle et l’exploitation illégale par des bandits armés. Même si l’État a pu tirer profit de l’exploitation du diamant, à travers la collecte des impôts et taxes, les diamants du Kasaï oriental ne profitent ni à la RDC ni à la Miba, encore moins à la population congolaise. Si l’étude permet justement d’avoir une idée plus claire sur la gouvernance catastrophique de ce minerai, son plus grand apport reste sans aucun doute l’interpellation du gouvernement sur la valorisation du secteur du diamant avec lequel beaucoup de pays se sont développés.

Une véritable industrie du diamant

Quant aux recommandations, elles s’étendent sur un certain nombre de registres. Il y a, par exemple, la nécessité de créer une véritable industrie de transformation locale pour avoir de la valeur ajoutée. Toutefois, un audit de la Miba s’impose afin d’évaluer les pertes du fait des politiques du gouvernement et de la gestion de l’entreprise d’économie mixte Miba. D’autres propositions tournent autour des travaux de certification des nouveaux gisements, de la relance de l’activité de production de la Miba, du contrôle de la production et de la commercialisation du diamant en RDC, du respect des droits humains, de la lutte contre l’exploitation clandestine et de l’établissement des responsabilités sur la décadence du secteur du diamant depuis la deuxième République.


Laurent Essolomwa