Les Dépêches de Brazzaville


Musique : une croix pour Nestelia et pour nulle part !


Ce n’est rien qu’une petite croix cochée pour informer d’une décision fondée sur le motif 13 : «  Il existe des doutes raisonnables quant à votre volonté de quitter le territoire des Etats membres avant l’expiration de votre visa ».  Oui, ce ne sont rien que des doutes qui dépassent le simple cadre du demandeur et qui s’inscrivent dans un paysage plus large et plus obscur. Rien d’autre qu’une échappatoire légale pour les services consulaires afin de refuser le fameux visa Schengen en raison d’une situation politico-économique du pays d’origine, en l’occurrence la République du Congo. Oui, ce n’est rien, rien qu’une petite croix. Rien que le monde qui s’écroule ! 

Le motif 13, tombé comme un couperet, aura tué dans l’œuf le concert de Nestelia Forest, ainsi que ceux de Biraman Rouge  et Youyou Mobangué,  tous trois programmés le 13 août dernier à la Nuit de l’indépendance dans le petit village de Verrières-en-Anjou, près d’Angers en France.  L’Association angevine Ngoma Za Ku aura eu le tort d’annoncer à grands cris et prématurément  l’événement avant même que les artistes brazzavillois aient obtenu leurs visas. A la décharge des organisateurs,  il convient malgré tout de préciser que ces demandes de visas avaient reçu le soutien du  ministre de la Culture congolaise en personne, M. Dieudonné  Moyongo. Alors, forcément, tout le monde y croyait.

Pour Nestelia Forest, la déception n’en est que plus grande. « Le ministre nous avait reçus, les dossiers étaient complets, en bonne et due forme. J’avais même prévu un petit séjour en Espagne pour mes vacances avant de revenir au Congo. J’avais épargné pour cela et j’étais vraiment confiante mais, au final, je suis tombée de très haut », dit-elle avec une pointe d’amertume dans la voix.  Pire encore, à cette profonde déception qu’il faut avaler, il faut encore y ajouter les moqueries d’esprits rétrécis de ses concitoyens sur les réseaux sociaux, toujours prompts à se réjouir du malheur des autres.  Imbécile, injuste et cruel !

Dans un monde idéal, on aimerait que les artistes et la musique, par essence universelle, puissent s’octroyer le droit de voyager pour planter sur d’autres terres le drapeau vert jaune rouge en véritables ambassadeurs de la musique congolaise. Mais c’est hélas et trop souvent peine perdue dès qu’il s’agit de quitter l’Afrique.  Certains diront que c’est la faute principale de ceux qui sont partis et ne sont pas revenus après expiration du visa, c’est probable, mais peut-on reprocher à quiconque d’aller chercher ailleurs le bonheur ?  Puisse un jour que la voix de Nestelia Forest se fasse entendre au pays des droits de l’homme dont la capitale, le 26 octobre 1940,  n’était autre que Brazzaville. Mais, c’est une autre histoire.

 


Philippe Edouard

Légendes et crédits photo : 

Photo: Nestelia Forest