Les Dépêches de Brazzaville



ONG : les aveugles de Brazzaville lancent un SOS aux autorités des deux Congo


En effet, cela fait une semaine que ces aveugles ont des difficultés à faire la traversée du fleuve Congo pour vaquer librement au petit commerce qu’ils exercent depuis des décennies. L’appel lancé aux autorités des deux Congo vise à rappeler les pouvoirs publics sur la lutte contre la pauvreté, la cécité et d’autres fléaux qui frappent les aveugles et malvoyants des deux pays.

« Nous voulons nous adresser aux présidents Sassou et Kabila qu’ils voient ce qui se passe au Beach depuis vendredi passé. Il y a très longtemps, au temps du monopartisme, le feu président Mobutu et le président Sassou nous ont permis de faire le trafic et nous vivions en paix. Nous étions parfaitement en harmonie. Nous, les aveugles et les handicapés, trouvions notre gagne-pain, dans les ressources de notre trafic de commerce entre Brazzaville et Kinshasa, et vice-versa. Cela nous aidait à payer nos loyers, nos guides et de nous occuper de nos enfants », explique Obangui Mbola, président de l’ONG.

Selon l’ONG AVDM, les raisons du refus de la traversée du fleuve ne leur ont pas été expliquées, ni par les autorités douanières, ni par les services de sécurité. Les aveugles regrettent ce manque de dialogue et se plaignent du sort de leurs familles. Ces aveugles menacent également de prendre d’assaut les avenues bitumées de la capitale congolaise pour réclamer la réouverture du trafic.

« Ce commerce nous permettait d’avoir un peu d’argent. Nous vaquions grâce à cela aux besoins primaires et fondamentaux de la vie notamment le boire, le manger, le vêtir et nous ne quémandions plus. Aujourd’hui nous ne savons plus quoi faire après cet embargo car nous sommes devant les plus forts et nous sommes faibles. Or nous ne savons pas pourquoi ils ont mis fin à cela vu qu’ils ne nous ont pas révélé la cause. Ils ne font que nous faire marcher, voilà pourquoi nous sommes décidés à mettre fin à cela au péril de notre vie et nous appelons à l’aide. Nous ne savons plus vers qui nous tourner, et nous savons que nous payons des taxes pour lesquelles nous sommes en règle. Mais quel est le problème », explique Xavier Loungangoula, conseiller du président de l’ONG AVDM.

Sur les deux rives du fleuve Congo, les aveugles et les malvoyants collaborent mieux. Pour consolider leurs initiatives privées, les aveugles du Congo-Brazzaville et ceux du Congo-Kinshasa avaient paraphé le 7 novembre 2007 à Brazzaville, un protocole d’accord visant à interpeller les pouvoirs publics sur la lutte contre la pauvreté, la cécité et d’autres fléaux qui frappent les aveugles et malvoyants des deux pays.

Par ailleurs à Brazzaville, les aveugles jouissent des aides substantielles du gouvernement. Il y a  par exemple une trentaine d'aveugles et de malvoyants qui cultivent depuis plus d’un an le manioc sur deux hectares au village Nkouo, situé à près de 90km au nord de Brazzaville. La mission évangélique braille de Suisse, en collaboration avec le gouvernement, a financé une formation des aveugles sur les techniques agricoles, notamment comment devenir agriculteur en étant aveugle.

Deux foyers pour aveugles ont déjà été réalisés à Brazzaville et à Pointe-Noire. Le gouvernement congolais et la mission évangélique du braille (MEB) soutiennent ce projet et collaborent avec l'ONG Viens & Vois qui assure, depuis 2006, un programme de formation annuel de deux cycles à quinze apprenants par foyer. Cette initiative contribue à changer l'image des 100.000 aveugles et malvoyants du Congo (estimation en 2006 de l’Organisation mondiale de la santé).


Fortuné Ibara