Les Dépêches de Brazzaville



Portrait : Sammy, l’homme qui fait pousser les fraises !


Il s’appelle Sammy Miboundou, né à Brazzaville au début du dernier mois de l’année 1975. Il a grandi entre la capitale, Mindouli et Boko et, détail sans importance, n’avait jamais connu le goût de la fraise autrement que dans les yaourts.  « Moi, c’était plutôt le dessin et la peinture. J’ai d’ailleurs fait l’Ecole nationale des Beaux Arts où j’étudiais les arts plastiques. Je m’imaginais devenir professeur de dessin ou artiste peintre mais, après un stage de deux mois comme enseignant au collège Angola libre, je n’ai pas trouvé d’emploi dans la fonction publique. Pour ce qui est de la peinture, il était difficile d’exposer à l’époque ailleurs qu’au Centre culturel russe ou au Centre culturel français. Alors, il fallait attendre un miracle pour qu’un expatrié passe devant mes toiles pour m’acheter un tableau. Les Congolais ne s’intéressent pas trop à l’art en général, pour preuve le seul tableau que j’ai vendu à un Congolais était pour le célèbre Dieudonné Niangouna, un auteur dramaturge, metteur en scène, acteur et écrivain », soupire Sammy.

En 1999,  Sammy Miboundou lâche pinceaux et gouache pour découvrir de nouveaux outils : computer, souris, clavier... Et devient informaticien !  S’il cultive désormais le goût de l’informatique et de l’infographie, il cultive également, de façon plus terre à terre, son propre sol, quelque 200 mètres carrés sur les terrains annexes du Stade Marchand, laissés peu ou prou à l’abandon.  Dans ce stade chargé d’histoire, inauguré en 1927 et qui aura vu naître d’innombrables clubs de football brazzavillois, y jouent tantôt des footballeurs amateurs, tantôt des jardiniers en herbe : « Oui, c’est ici que je cultive principalement de l’artemisia annua, mais aussi diverses variétés de menthe, de la citronnelle chinoise pour faire des huiles essentielles, sans compter des bananiers ou des papayers, d’autres choses encore... J’ai également planté dix pommiers et je viens de commander des graines en France pour faire pousser des kiwis », raconte-t-il.

Et les fraises alors ? «  Je n’en avais jamais mangé de ma vie, tout ce que je connaissais c’était les yaourts ou les bonbons à la fraise. Il existe ici comme un mythe qui dit qu’on ne peut pas faire pousser des fraises au Congo, il m’a fallu combattre cette idée et mon épouse m’a convaincu d’essayer. La première fraise que j’ai pu manger est donc celle de ma propre culture. J’ai aujourd’hui une quarantaine de fraisiers et j’aimerai me lancer à moyen terme dans la vente de ce  fruit qui est trop rare au Congo », se réjouit Sammy Miboundou.  Entre informatique et agriculture biologique, l’homme qui fait envers et contre tout pousser les fraises au cœur de la capitale congolaise s’attarde encore et parfois sur sa planche à dessin comme pour dire que culture de l’art et culture de la terre restent les fruits d’une seule et même passion.


Philippe Édouard

Légendes et crédits photo : 

Sammy Miboundou dans son champ de fraise/Adiac